
(...) fondamentalement, nous critiquons une approche étroitement humanitaire et l’approche de l’urgence : ce n’est pas en mettant des pansements sur les plaies les plus béantes des populations que nous résoudrons les problèmes. Il faut donc un travail fondamentalement et prioritairement sur le structurel dans le moyen et le long terme.
Il y a une insuffisance tout à fait inquiétante au niveau des ONG et de la coopération au développement concernant le travail sur les causes structurelles. (....)
Prenons le slogan d’une campagne de solidarité Nord/Sud bien connue et qui paraît sympathique au premier abord : « plutôt que d’apporter du poisson ou d’autres aliments, il faut apprendre aux gens à pêcher ». Comme si les populations du Sud ne savaient pas pêcher ! C’est du paternalisme ou la preuve d’une méconnaissance profonde des réalités. Cela traduit la vision qu’une partie du Nord a du Sud : celle d’un Sud qui doit apprendre du Nord ou qui doit apprendre tout court. Or ce qu’il faudrait plutôt faire c’est empêcher que les grandes industries de pêche des pays du Nord épuisent les stocks de poissons des lacs et des mers du Sud, il faut empêcher la pollution des eaux, il faut des structures adéquates au niveau local pour la conservation des aliments et pour la commercialisation, il faut assurer la souveraineté alimentaire… afin de permettre à des millions de personnes qui vivent traditionnellement de la pêche de mener une vie digne. (...)
la Banque mondiale prône un développement qui suppose la généralisation de la marchandisation des biens et des services (privatisation et marchandisation des terres communales ou collectives, de l’eau, de la santé et de l’éducation…) et l’ouverture la plus large possible des économies du Sud aux investissements étrangers, aux biens et services étrangers. Dans un ouvrage que j’ai consacré à la Banque mondiale, je cite un extrait d’un de ses rapports officiels qui en dit long sur l’orientation de celle-ci : « Dans ses principes d’Économie politique (1848), John Stuart Mill évoque les avantages qui résultent du ’commerce étranger’. Bien que plus d’un siècle se soit écoulé, ses observations restent aussi valables aujourd’hui qu’en 1848 ». Mill parlant des avantages indirects du commerce déclare : « … un peuple peut être dans un état léthargique, indolent, inculte, toutes ses aspirations étant soit satisfaites, soit en sommeil, et il peut ne pas mettre en œuvre toutes ses forces productives faute d’objet à désirer. L’aventure du commerce extérieur, en lui faisant connaître de nouveaux objets ou en lui offrant la tentation d’acquérir des objets qu’il ne pensait pas pouvoir se procurer antérieurement … encourage ceux qui se satisfaisaient de peu de confort et de peu de travail à travailler plus dur pour satisfaire leurs goûts nouveaux, voire même pour économiser et accumuler du capital… » |6| . (...)