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Non-Fiction
Réconcilier sexe et genre
Noémie Marignier est docteure en Sciences du Langage. Ses travaux de recherche portent sur l’articulation entre corps/sexe/sexualité et discours.
Article mis en ligne le 15 décembre 2019
dernière modification le 14 décembre 2019

Contrairement aux idées reçues, sciences sociales et biologie proposent des approches conciliables du sexe et du genre.

Le livre dirigé par Bérengère Abou et Hugues Berry propose de se placer à l’interface des sciences de la vie et des sciences sociales pour faire dialoguer différentes manières d’aborder, de conceptualiser, de définir et de mettre au travail les questions du sexe et du genre. Il prend donc acte d’un relatif rejet mutuel entre les approches lorsqu’il s’agit d’enquêter sur un objet commun à fort potentiel polémique, ici le sexe biologique. De fait, l’ouvrage réunit des contributions de chercheur·ses des deux types d’approches, et qui cherchent à prendre à bras le corps les problèmes que peut poser l’approche du sexe de manière multidisciplinaire. Il vient prolonger une lignée de travaux déjà menés sur la question comme Le corps, entre sexe et genre sous la direction d’Hélène Rouch, Elsa Dorlin et Dominique Fougeyrollas-Schwebel paru en 2005 (entre autres), avec la différence qu’il n’est pas uniquement le fait de chercheuses identifiées comme féministes. On peut y lire les contributions de biologistes, anthropologues, historiennes, sociologues, etc. Le livre n’est pas excessivement technique, même s’il demandera sans doute aux lecteur·ices plus familiè·res avec les sciences humaines un peu d’attention pour aborder les chapitres centrés sur la biologie — mais c’est justement la pluralité des approches qui fait l’intérêt du projet.

S’interroger sur ce qu’est le sexe

Une des richesses de l’ouvrage est de présenter plusieurs conceptions disciplinaires de ce qu’est le sexe, objet commun aux sciences de la nature et aux sciences humaines, ce qui permet de croiser les regards. (...)

L’on découvre ainsi notamment que la biologie permet de mettre en évidence une pluralité de configurations sexuées dans le vivant (hermaphrodisme, compatibilité de « types sexuels » chez les champignons et les plantes par exemple). Les premiers articles de l’ouvrage permettent ainsi de clarifier les conceptions du sexe pour la biologie, et de replacer celui-ci pour ce qu’il est dans ce cadre, ni plus, ni moins — et surtout au-delà des animaux.

Il s’agit également pour les sciences humaines et sociales de clarifier la manière dont elles se sont emparé de la question du sexe (biologique), rappelant que « Le genre de s’arrête pas aux portes vitrées des laboratoires » (...)

On entre ainsi dans le domaine du genre (dont différent·es auteur·es soulignent le fait qu’il est un concept avec plusieurs acceptions) : le concept, loin de servir aux sciences sociales à nier le biologique, a plutôt pour ambition de permettre de comprendre comment le sexe est conçu, façonné et rendu signifiant culturellement et historiquement. Il s’agit notamment de s’interroger sur les processus de hiérarchisation entre les sexes, ainsi que sur la naturalisation de phénomènes éminemment sociaux (...)

L’ouvrage invite ainsi le·a lecteur·ice à s’interroger sur la manière dont sont construits les résultats des sciences du sexe, quels principes scientifiques les dirigent, quelles généralités on peut en déduire, et sur quels objets elles portent réellement. (...)

Débusquer les utilisations fallacieuses et politiques des connaissances biologiques sur le sexe (...)

plusieurs articles sont consacrés à étudier comment des discours (pseudo)-scientifiques sur le sexe abondent dans les médias, bénéficiant d’un fort relai et d’un grand capital de sympathie alors même que leurs conclusions sont présentées de manière souvent partielle et inexacte. (...)

Au fil des différentes contributions, on ne peut qu’être frappé·e par la compatibilité des programmes des sciences sociales et de la biologie, contrairement à des discours et des images couramment véhiculés qui visent à les opposer artificiellement (...)

l’ouvrage invite de manière salutaire à une prudence théorique par rapport aux contours toujours fuyants et jamais délimités à l’avance de ce que sont le sexe et le genre.