
"Entre les murs", palme d’Or à Cannes en 2008, avait braqué les projecteurs sur le collège Françoise-Dolto de Paris. Dix ans après, cet établissement se défait à peine de la réputation "difficile" véhiculée par le film et lourde à porter dans un quartier en pleine gentrification.
"Il y a deux ans encore, quand je présentais le collège aux parents, j’avais des réflexions comme : +Ah oui mais si ça se passe comme dans le film !+", rapporte Marie Busson, qui a pris en 2013 la direction de l’établissement, situé dans le XXe arrondissement.
"Les gens ont vraiment pensé que c’était la réalité. On a eu beaucoup de mal à se défaire de cette réputation", ajoute-t-elle, mettant en cause le caractère hybride du film entre fiction et documentaire.
Inspiré du roman homonyme de François Bégaudeau qui y joue son propre rôle de professeur anticonformiste, "Entre les murs", plonge dans le quotidien d’un collège d’éducation prioritaire (ZEP, aujourd’hui REP) et met en scène des échanges spontanés mais aussi violents entre élèves et enseignants.
Le tournage a été précédé, le temps d’une année scolaire, d’ateliers d’improvisation avec des élèves du collège Françoise-Dolto autour du réalisateur Laurent Cantet.
– Le revers de la Palme -
Mais cette image d’établissement "difficile" et atypique a entraîné des stratégies d’évitement dans un quartier en pleine gentrification depuis dix ans.(...)
"Le quartier perd de son caractère populaire mais c’est important que Dolto reste un collège d’éducation prioritaire et que ce ne soit pas toujours les plus privilégiés qui bénéficient de la meilleure éducation", témoigne Juliette Demaille, qui jouait le rôle d’une élève et termine aujourd’hui ses études d’histoire de l’art.
"Tous les gens qui ont grandi ici ont du mal à aller ailleurs", observe Rabah Naït Oufella, 25 ans, toujours acteur et habitant du quartier. "Mais ceux qui ont grandi ailleurs et s’installent ici font monter les prix et les familles les plus pauvres se font chasser", déplore-t-il.