
Retraite, Sécurité sociale, assurance chômage… Autant de grandes conquêtes sociales souvent obtenues par la grève et la mobilisation, mais aujourd’hui remises en cause. L’historien Claude Didry les décrypte à l’aune de notre bulletin de salaire.
Lorsque l’on jette un coup d’œil à sa fiche de paie, on grimace en comparant le salaire brut tout en haut, et ce qu’il nous reste à la fin, la rémunération nette, tout en bas, celle qui tombera sur notre compte en banque en fin de mois. Entre les deux, ce ne serait qu’impôts et prélèvements obligatoires, caricaturés en « coûts du travail », qu’il faudrait absolument réduire au nom de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des travailleurs.
Le monde de l’autoentrepreneuriat, du travail « indépendant », ou de la rémunération à la course ou à la tâche des plateformes serait-il finalement plus radieux que celui du salariat ? C’est oublier l’ensemble des protections sociales qui sont financées par ces cotisations : assurance maladie, pensions de retraite, assurance chômage, allocations familiales... Les individualistes forcenés s’en plaindront : pourquoi cotiser pour les autres ? Mais qui peut garantir qu’il ne tombera jamais malade, qu’il ne devra jamais franchir la porte d’une agence Pôle emploi, ou qu’il autofinancera sa propre retraite ? (...)
C’est oublier également que ce qui constitue notre modèle social – même s’il est de plus en plus fragilisé – n’allait pas de soi. L’ensemble de ces sécurités sociales pour lesquelles nous cotisons sont le fruit d’un siècle de mobilisations, de grèves, de manifestations, de réflexions... et de brutales répressions. Disposer ne serait-ce que d’une fiche de paie était loin d’être une évidence il y a un siècle.
On travaillait alors sans savoir si l’on serait correctement payé le lendemain, encore moins la semaine d’après, totalement soumis à l’arbitraire d’un patron. (...)