
En transformant de vieux vélos en machines à laver, en mixeurs et autres moulins à café, l’association Maya Pedal associe recyclage, économies d’énergie et aide au développement en milieu rural. Leurs innovations séduisent au-delà des frontières du Guatemala.
(...) Ici, un vélo surmonté d’un mixeur, là un autre pour moudre le grain, un troisième pour concasser les noix de macadamia… Les bicimáquinas ou « vélos-machines » de toutes sortes peuplent le hangar de l’association Maya Pedal, qui les fabrique dans le village de San Andrés Itzapa, au Guatemala.
Mais en ce mercredi 3 janvier 2018, une fois n’est pas coutume, les postes de travail sont désertés, et pour cause : tout le monde est réuni autour d’un énorme conteneur venu des États-Unis.
L’effervescence a gagné toute l’équipe. À l’intérieur de cette grosse brique métallique, pas moins de 400 vélos d’occasion attendent Maya Pedal. L’arrivage est une excellente nouvelle, puisque le directeur de l’association, Mario Juárez, précise que cinq ans ont passé depuis la précédente livraison. (...)
Entretemps, les rouages ont continué de tourner : « Nous avons trouvé le moyen de construire des vélos-machines à partir de presque rien, en récupérant des tubes et des métaux pour construire les cadres, en fabriquant nous-mêmes certaines pièces, ce qui nous a permis de répondre à la demande », raconte Mario. Une demande qui, à la grande surprise des bénévoles eux-mêmes, vient du monde entier, alors que Maya Pedal a été créée en premier lieu pour satisfaire les besoins des communautés rurales alentour.
« On peut mettre des pédales sur n’importe quoi ! » (...)
Avec l’appui de l’association canadienne Pedal, les premières machines voient donc le jour en 1999-2000, avant que les Guatémaltèques ne prennent le relais en créant l’association Maya Pedal dès 2001. (...)
Si ces appareils propulsés à la seule force des mollets sont bien sûr écologiques, pour leurs créateurs, l’idée première était surtout de pallier le manque d’électricité et de faciliter la vie quotidienne des habitants. Avec une idée simple en tête : « On peut mettre des pédales sur n’importe quoi ! » (...)
les femmes sont partie prenante du projet à bien des titres : tout d’abord, par la place prépondérante qu’elles occupent dans le monde rural, où elles gèrent le foyer et tissent, cuisinent, cultivent le potager… Elles sont donc souvent les premières utilisatrices des vélos-machines, qui leur ont également permis de développer de nouvelles activités.
Le groupement Agrapto, basé à San Andrés, produit ainsi grâce au vélo-mixeur son shampooing maya à base d’Aloe vera. Les femmes se découvrent donc entrepreneuses, et s’investissent pour soutenir les jeunes filles dans leur accès à l’éducation et à l’autonomie. (...)
Ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve dans le comité directeur de l’association Maya Pedal des collectifs menés par et pour les femmes (...)
Au fil du temps, l’association a également identifié des besoins que les seuls vélos-machines ne pouvaient satisfaire. Alliant toujours solidarité et ancrage rural, en 2016 Maya Pedal s’est ainsi rapproché de l’ONG ConstruCasa : « Nous avons fourni des logements à soixante familles de San Andrés, et nous y retournerons cette année pour les aider avec des vélos-pompes à eau, et réfléchir à des alternatives pour l’approvisionnement en électricité », raconte Mario Juárez.
« Il y a l’amour du vélo bien sûr, mais aussi la simplicité et la générosité » (...)
Aux côtés des salariés, on retrouve des bénévoles venus des quatre coins du monde. États-Unis, Espagne, Pologne, France… les bonnes volontés affluent, en plus des cyclistes qui s’arrêtent par curiosité et restent par passion. (...)
Quelques jours après nous, des journalistes coréens sont arrivés, suivis de près par des étudiants new-yorkais. Le 24 janvier, c’est la fille du directeur, Melody Juárez, qui s’envolait pour les États-Unis afin d’y présenter le projet à la télévision. Maya Pedal franchit ainsi les frontières, démontrant au jour le jour qu’écologie peut rimer avec autonomie, pays en développement et mondialisation.