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Quand la solidarité passe au tribunal
Article mis en ligne le 14 décembre 2017

Quatre retraités viennent d’être jugés pour avoir transporté des migrants dans la vallée de la Roya. Dans cette zone frontalière, l’État viole le droit d’asile au quotidien. Mais le plus souvent, ce sont les militants solidaires qui sont condamnés par la justice.

À la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ce mercredi 15 novembre, on jugeait des affaires de recel et de vol avec violence. Mais aussi trois papys et une mamie, accusés d’avoir porté secours à des migrants.

C’était l’hiver dernier, près de la frontière italienne. Dans la vallée de La Roya (Alpes-Maritimes), le mercure plongeait en dessous de zéro. Après avoir déjoué de sévères contrôles frontaliers, des dizaines et des dizaines de migrants avaient atterri là. Les bonnes âmes du coin étaient dépassées  : chez l’agriculteur Cédric Herrou, figure emblématique de l’aide aux exilés, on hébergeait sous des tentes.

Le 6 janvier, Gérard, Françoise, René et Daniel prennent donc en charge six migrants, dont deux mineurs, pour les mettre au chaud. Mais à Sospel, sur la route, les forces de l’ordre veillent. Pour contourner un point de contrôle, les migrants sont déposés sur un sentier. Les voitures les récupéreront de l’autre côté. Hélas, une randonneuse a aperçu la scène. Elle contacte le 112. Veut-elle jouer la délatrice ? Ou s’inquiète-t-elle simplement de voir des personnes mal équipées s’aventurer sur un chemin de montagne en plein hiver ? Quoi qu’il en soit, la gendarmerie est prévenue.

De l’autre côté du sentier, les deux véhicules sont stoppés. Exilés et bénévoles sont arrêtés. Qu’est-il advenu des premiers ? La procédure pénale ne le dit pas, mais leurs soutiens en sont certains  : les quatre majeurs ont été renvoyés en Italie. Pour les militants, c’est la garde à vue, puis une condamnation, à Nice, à 800 € d’amende avec sursis, dont ils interjettent appel. (...)

Le préfet hors la loi

Une situation aggravée par les agissements illégaux de l’État  : dans les Alpes-Maritimes, « on empêche » les étrangers d’atteindre Nice pour « déposer une demande d’asile et on les reconduit de l’autre côté de la frontière » [4]. Cette année, le préfet a été condamné deux fois pour entrave au droit d’asile par le tribunal administratif. Même des mineurs non accompagnés (lire ci-dessous) sont renvoyés en Italie.

Alors, « la désobéissance s’est imposée aux prévenus comme un devoir, explique l’avocate. Mes clients n’ont fait que résister à l’oppression qui est subie par les plus vulnérables. » « La protection de l’enfance et l’accompagnement des jeunes majeurs, c’était le fondement même de mon engagement professionnel, dira ensuite un des papys, Daniel, ancien éducateur. J’étais payé pour ça et aujourd’hui je suis condamné… Cherchez l’erreur ! » Conclusion de l’avocate  : « La relaxe s’impose. »

Pour les prévenus, la partie est loin d’être gagnée  : le 11 septembre dernier, le même tribunal d’Aix a condamné Pierre-Alain Mannoni à deux mois de prison avec sursis. En première instance, il avait été relaxé – mais le parquet avait fait appel.

Mise à jour du 13 décembre 2017

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu sa décision aujourd’hui. La peine est confirmée en tous points : 800 euros d’amende avec sursis. Mais les quatre papys-mamie solidaires vont se pourvoir en cassation et ils assurent que si nécessaire, ils iront jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg. "C’est quelque chose d’important, explique René, l’un des condamnés. Ce n’est pas juste notre petit cas personnel qui se joue, mais c’est sur le principe : comment un être humain peut aider un autre être humain, normalement, sans être condamné. C’est ça le problème."