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Prodigieuse métamorphose de la Bolivie
Article mis en ligne le 6 février 2015
dernière modification le 5 février 2015

Pour le voyageur que revient en Bolivie après quelques années d’absence, et qui marche doucement dans les rues étroites de La Paz, ville balafrée par des ravins escarpés à presque quatre mille mètres d’altitude, les changements sautent aux yeux : on ne voit plus de mendiants, ni de vendeurs informels qui remplissaient les trottoirs. Les gens s’habillent mieux, ils ont un air plus sain. Et l’aspect général de la capitale apparaît plus soigné, plus propre, avec de multiples espaces verts. On remarque aussi l’essor de la construction. Des dizaines de grands immeubles ont fait leur apparition et les centres commerciaux se sont multipliés ; l’un d’entre eux possède le plus grand complexe de cinéma (18 salles) d’Amérique du Sud.

Mais le plus spectaculaire ce sont les téléphériques urbains d’une extraordinaire technologie [1] futuriste, qui maintiennent au-dessus de la ville un ballet permanent de cabines colorées, élégantes et éthérées comme des bulles de savon. Silencieuses et non polluantes. Deux lignes fonctionnent désormais, la rouge et la jaune ; la troisième, la verte, sera inaugurée dans les prochaines semaines, permettant ainsi la création d’un réseau interconnecté de transport par câble de onze kilomètres, le plus étendu au monde. Cela permettra à des dizaines de milliers d’habitants de La Paz d’économiser en moyenne deux heures de temps de transport par jour. « La Bolivie change. Evo tient ses promesses » affirment des affiches dans les rues. Et chacun le constate. Le pays est effectivement un autre pays. Il est très différent de celui que l’on a connu il y a à peine une décennie, lorsqu’il était considéré comme « l’Etat le plus pauvre d’Amérique latine après Haïti ». Corrompus et autoritaires pour la plupart, ses gouvernants passaient leur temps à implorer des prêts aux organismes financiers internationaux, aux principales puissances occidentales ou aux organisations humanitaires mondiales. Alors que les grandes entreprises minières étrangères pillaient le sous-sol, en payant à l’État des royalties de misère et en prolongeant la spoliation coloniale. (...)

Au cours des neuf dernières années, depuis l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir, la croissance économique de la Bolivie a été sensationnelle, avec un taux moyen annuel de 5 %. En 2013, le PIB a atteint 6,8 % [2], et en 2014 et 2015, selon le FMI (Fonds monétaire international), il sera également supérieur à 5 %... C’est le pourcentage le plus élevé d’Amérique latine [3]. Et tout ceci avec une inflation modérée et contrôlée inférieure à 6 %. Le niveau de vie général a donc doublé [4]. Les dépenses publiques, malgré les importants investissements sociaux, sont également contrôlées à tel point que la balance courante offre un résultat positif avec un excédent budgétaire de 2,6 % (en 2014) [5]. Et bien que les exportations, principalement d’hydrocarbures et de produits miniers, jouent un rôle important dans cette prospérité économique, c’est la demande intérieure (+5,4 %) qui constitue le principal moteur de la croissance. Enfin, un autre succès inouï de la gestion du ministre de l’économie, Luis Arce : les réserves internationales en devises de la Bolivie, par rapport au PIB, ont atteint 47 % [6], plaçant pour la première fois ce pays en tête des pays d’Amérique latine, loin devant le Brésil, le Mexique ou l’Argentine. Evo Morales a indiqué que la Bolivie pourrait cesser d’être un pays endetté au niveau structurel pour devenir un pays prêteur. Il a révélé que « quatre États de la région », sans préciser lesquels, se sont déjà adressés à son gouvernement en lui demandant des crédits... Dans un pays où plus de la moitié de la population est autochtone, Evo Morales, qui a été élu en janvier 2006, est le premier indigène à devenir président au cours des cinq derniers siècles. Et, depuis qu’il est au pouvoir, ce président différent a rejeté le « modèle néolibéral » et lui a substitué un nouveau « modèle économique social communautaire productif »

À partir de mai 2006, il a nationalisé les secteurs stratégiques (les hydrocarbures, l’industrie minière, l’électricité, les ressources environnementales) générateurs d’excédents, et il a investi une partie de ces excédents dans les secteurs générateurs d’emploi : industrie, produits manufacturés, artisanat, transport, agriculture et élevage, logement, commerce, etc. Il a ensuite consacré l’autre partie de ces excédents à la réduction de la pauvreté, grâce à des politiques sociales (enseignement, santé), des augmentations salariales (aux fonctionnaires et travailleurs du secteur public), des stimulations à l’intégration (les bons Juancito Pinto [7], la pension « dignité » [8], les bons Juana Azurduy [9]) et des subventions. Les résultats de l’application de ce modèle ne sont pas seulement reflétés par les chiffres exposés ci-dessus, mais aussi par une donnée bien explicite : plus d’un million de Boliviens (soit 10 % de la population) sont sortis de la pauvreté. La dette publique, qui représentait 80 % du PIB, a diminué et en représente à peine 33 %. Le taux de chômage (3,2 %) est le plus faible d’Amérique latine, à tel point que des milliers de Boliviens émigrés en Espagne, en Argentine ou au Chili commencent à revenir, attirés par le plein emploi et l’accroissement remarquable du niveau de vie. De plus, Evo Morales entreprend de construire un véritable État, qui n’était jusqu’à présent que plutôt virtuel.

Cela passe tout d’abord par la promulgation d’une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, qui établit pour la première fois un « État plurinational » et reconnaît les droits des différentes nations qui cohabitent sur le territoire bolivien. Ensuite, le lancement d’une série de travaux publics ambitieux (routes, ponts, tunnels) dans le but de connecter, articuler, desservir des régions dispersées pour que celles-ci et leurs habitants sentent qu’ils font partie d’un ensemble commun : la Bolivie. Cela ne s’était jamais fait. C’est pourquoi il y a eu tant de tentatives de sécession, de séparatisme et de fractionnement. Aujourd’hui, avec tous ces succès, les Boliviens se sentent - peut-être pour la première fois - fiers de l’être. (...)

Evo Morales prouve que la gauche au pouvoir peut être efficace ; qu’elle peut mener des politiques d’intégration et de redistribution de la richesse sans mettre en danger la stabilité de l’économie. Mais cette grande victoire électorale s’explique aussi, et peut-être surtout, par des raisons politiques. Le président Evo Morales est parvenu à battre, idéologiquement, ses principaux adversaires regroupés au sein de la caste des entrepreneurs de la province de Santa Cruz, principal moteur économique du pays. Ce groupe conservateur qui a tout tenté contre le président, depuis la tentative de sécession jusqu’au coup d’État, a fini par se soumettre et se joindre finalement au projet présidentiel, en reconnaissant que le pays est en pleine phase de développement (...)