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Mediapart
Procès Bygmalion : Jérôme Lavrilleux mouille le clan Sarkozy et protège Copé
Article mis en ligne le 5 juin 2021

Au tribunal, l’ancien bras droit de Jean-François Copé a insisté ce jeudi sur la responsabilité de l’Élysée dans l’explosion des dépenses de la campagne Sarkozy 2012.

Une dinguerie ». « Un train fou ». « Un engrenage ». À la barre du tribunal correctionnel de Paris, ce jeudi 3 juin, Jérôme Lavrilleux multiplie les anecdotes et les images fortes pour décrire la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012. Si le nombre de meetings a augmenté à une cadence infernale et que les dépenses ont explosé, ce n’est pas sa faute, explique celui qui était à la fois directeur de cabinet de Jean-François Copé (alors patron de l’UMP) et directeur adjoint de la campagne Sarkozy. « Ce n’est pas le procès Bygmalion, mais le procès de l’affaire des comptes de campagne » du président-candidat, rappelle-t-il.

Jérôme Lavrilleux dit être informé de l’accélération du tempo par le directeur de la campagne, Guillaume Lambert (jusqu’alors chef de cabinet de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République). « Les décisions stratégiques se prennent à l’Elysée, avec Nicolas Sarkozy, lors de réunions avec son secrétaire général [Xavier Musca – ndlr], Patrick Buisson, un de vos futures clients, lance-t-il au tribunal, Franck Louvrier, Guillaume Lambert, et le conseiller juridique », c’est-à-dire Christophe Ingrain qui est aujourd’hui avocat du préfet Lambert. « C’est en sortant d’une de ces réunions que Lambert nous dit qu’on va faire plus de meetings », insiste Jérôme Lavrilleux, voulant se placer en second rideau.

« À la mi-mars 2012, je ne sais pas qu’on va faire 44 meetings, des meetings qu’on ne reverra plus jamais, comme Villepinte ou la Concorde. » Ce fol emballement avait une cause : « Parce que le candidat gagnait 0,5 point dans les sondages après chaque meeting, on est partis en sucette. » Le trucage des comptes ne serait intervenu qu’après la défaite de Nicolas Sarkozy, selon Lavrilleux, qui est contredit sur ce point par plusieurs prévenus, dont Guillaume Lambert et Franck Attal, un ancien de Bygmalion. « En mai, après le second tour, les responsables de la campagne ont essayé de faire rentrer trois litres d’eau dans une bouteille d’un litre et demi. Des gens comme moi ont été mis dans la boucle », raconte Jérôme Lavrilleux.

La campagne ayant coûté le double des 22,5 millions d’euros autorisés, il a fallu faire prendre en charge une partie des dépenses par l’UMP, en recourant à un système de fausses factures Bygmalion. Une ventilation a été effectuée pour cacher le coût démentiel des meetings sous couvert de fausses conventions (des réunions thématiques) organisées par l’UMP.
(...)

Ce système de ventilation des fausses factures, explique Lavrilleux, a dû être mis au point par Éric Cesari, alors directeur général de l’UMP, et Fabienne Liadzé, alors directrice des ressources. Quand ils l’informent, Jérôme Lavrilleux accepte. « J’ai conscience que je mets le doigt dans un engrenage qui entraîne quelque chose d’illégal, mais il n’y avait pas d’autre solution », assure-t-il. Lui aussi a cosigné des engagements de dépenses pour des sommes colossales. (...)

« On fournissait un spectacle pour les chaînes de télé. On produisait des images de foule de militants acclamant le président-candidat, il n’y avait que le rendu visuel qui importait. Les chaînes de télé filmaient les écrans géants qui montraient la foule. » (...)

Lire aussi :

Rétractation de Takieddine : Mimi Marchand mise en examen-20210605&M_BT=167753986353]
Au terme de 48 heures de garde à vue dans les locaux de la police anticorruption, la femme d’affaires Michèle Marchand, papesse de la presse people et confidente des couples Sarkozy et Macron, a été mise en examen, samedi 5 juin, pour « subornation de témoin » et « association de malfaiteurs » dans un volet de l’affaire des financements libyens. Deux autres personnes ont été mises en examen. (...)

L’affaire Sarkozy-Kadhafi, qui vaut déjà des mises en examen à un ancien président de la République et trois de ses ministres, est en train d’accoucher judiciairement d’un scandale dans le scandale, sur fond de soupçons de témoignage manipulé et de presse sous influence.

Au terme de 48 heures de garde à vue dans les locaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) de la police judiciaire, la femme d’affaires Michèle Marchand, papesse de la presse people et confidente des couples Sarkozy et Macron, a été mise en examen, samedi 5 juin, pour « subornation de témoin » et « association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie en bande organisée » dans un volet de l’affaire des financements libyens, a annoncé son avocate à l’Agence France-Presse (AFP).

« Elle conteste fermement les faits reprochés », a réagi Me Caroline Toby. Michèle Marchand a été placée sous contrôle judiciaire. Quatre autres personnes doivent également être présentées au juge. (...)

Les faits, qui avaient été révélés en novembre et avril derniers par Mediapart, portent sur les tractations (y compris financières) qui ont présidé fin 2020 à l’étrange revirement de l’intermédiaire Ziad Takieddine, l’un des principaux accusateurs de Nicolas Sarkozy dans l’affaire libyenne.

L’ancien chef de l’État, mis en examen avec plusieurs de ses proches (Brice Hortefeux, Claude Guéant, Éric Woerth) dans cette affaire d’État hors norme, s’était appuyé médiatiquement et judiciairement sur ces soudaines déclarations de Takieddine, depuis démenties par l’enquête, pour tenter de démontrer la vacuité du dossier et, au passage, mettre en cause l’intégrité de plusieurs magistrats, dont le juge Serge Tournaire. (...)

L’affaire est d’autant plus embarrassante que la mise en scène des rétractations de Takieddine a été orchestrée médiatiquement par Paris Match, propriété du groupe Lagardère dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil de surveillance. Cela a créé, de fait, un lien d’intérêt entre l’ancien président mis en examen et le contenu éditorial de l’hebdomadaire phare du groupe.

Un journaliste de Paris Match a d’ailleurs été interpellé et placé en garde à vue dans ce volet de l’affaire, avant d’être relâché sans poursuites à son égard. (...)

Les faits, qui avaient été révélés en novembre et avril derniers par Mediapart, portent sur les tractations (y compris financières) qui ont présidé fin 2020 à l’étrange revirement de l’intermédiaire Ziad Takieddine, l’un des principaux accusateurs de Nicolas Sarkozy dans l’affaire libyenne.

L’ancien chef de l’État, mis en examen avec plusieurs de ses proches (Brice Hortefeux, Claude Guéant, Éric Woerth) dans cette affaire d’État hors norme, s’était appuyé médiatiquement et judiciairement sur ces soudaines déclarations de Takieddine, depuis démenties par l’enquête, pour tenter de démontrer la vacuité du dossier et, au passage, mettre en cause l’intégrité de plusieurs magistrats, dont le juge Serge Tournaire. (...)

L’affaire est d’autant plus embarrassante que la mise en scène des rétractations de Takieddine a été orchestrée médiatiquement par Paris Match, propriété du groupe Lagardère dont Nicolas Sarkozy est membre du conseil de surveillance. Cela a créé, de fait, un lien d’intérêt entre l’ancien président mis en examen et le contenu éditorial de l’hebdomadaire phare du groupe.

Un journaliste de Paris Match a d’ailleurs été interpellé et placé en garde à vue dans ce volet de l’affaire, avant d’être relâché sans poursuites à son égard. (...)

Les derniers développements de l’enquête ont en revanche mis au jour l’implication présumée d’un aréopage hétéroclite de protagonistes : un escroc déjà condamné par le passé, un homme d’affaires versé dans l’immobilier, et un publicitaire qui avait en 2012 travaillé pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Tous ont été également interpellés et placés en garde à vue ces dernières 48 heures. (...)

Comme Mediapart l’a déjà rapporté, un avocat libanais avait indiqué il y a plusieurs semaines qu’un intermédiaire avait, en réalité, promis à Takieddine « qu’il allait lui apporter cinq millions d’euros s’il changeait son témoignage, ainsi que la levée de la saisie sur ses propriétés ».

Selon différents témoignages, l’homme qui, le premier, est allé au contact de l’intermédiaire réfugié au Liban s’appelle Noël Dubus. C’est un Français déjà condamné à de multiples reprises pour escroquerie, amateur d’enregistrements clandestins et friand de manipulations politiques. Mêlé en 2012 à la vente d’un faux passeport dominicain à Takieddine, Dubus apparaissait en outre lié à Alexandre Djouhri, l’intermédiaire proche de Sarkozy, via l’un de ses frères.

Or, Noël Dubus s’est rendu à deux reprises à Beyrouth pour y rencontrer Takieddine à deux moments clés de sa rétractation (...)

Durant cette période, Dubus a envoyé de l’argent aux avocats de Takieddine, ainsi qu’il l’a confirmé à Mediapart – une somme de 8 000 euros, a-t-il indiqué. Et il a lui-même bénéficié d’autres versements suspects, d’environ 300 000 euros, (...)

Finalement entendu à Beyrouth par les deux juges de l’affaire libyenne, Ziad Takieddine a déclaré que ses propos avaient été « déformés » par Paris Match. « Je ne confirme pas ces propos qui ont été mal tournés par le journaliste, a-t-il déclaré. N’oubliez pas que Paris Match appartient à un ami de Sarkozy. »

Selon des proches de Takieddine à Beyrouth, c’est Michèle Marchand qui aurait été « en charge de la publication de l’article », d’autant que c’est un photographe travaillant régulièrement pour son agence, Sébastien Valiela, qui a couvert en photos et en vidéo (pour BFMTV) la vraie-fausse rétractation de Takieddine. (...)

Bien que non mis en cause pénalement à ce stade des investigations, Paris Match se retrouve aujourd’hui dans l’embarrassante situation de s’être fait le relais d’une opération douteuse, qui a, un temps, profité à un ancien président mis en examen dans plusieurs affaires et membre du conseil de surveillance du groupe propriétaire du titre. (...)