
Soutenus par des avocats et associations, une trentaine de jeunes se déclarant mineurs ont saisi le tribunal administratif de Nice jeudi, pour être pris en charge. Venus de Guinée et de Côte d’Ivoire pour la plupart, âgés de 13 à 17 ans, certains attendent depuis près de 15 jours une mise à l’abri.
(...) Sur la liste des jeunes concernés par les recours, qu’InfoMigrants a pu consulter, les cas d’un Malien, d’un Camerounais et d’un Bangladais sont également mentionnés. Tous ces jeunes sont âgés de 13 à 17 ans. (...)
Parmi eux, O., accueilli par Christian, bénévole du Secours catholique et de la Cimade. O. est Ivoirien, et il est âgé d’à peine 14 ans, selon la photographie de son acte de naissance enregistré sur son téléphone.
D’ordinaire, les jeunes se déclarant mineurs comme lui se rendent à la caserne Auvare, à Nice. Ils y sont reçus puis orientés vers des foyers de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), où ils passent ensuite un entretien d’évaluation. Sauf que depuis quelques semaines, la caserne Auvare a refusé de prendre en charge O., comme de nombreux autres.
"On nous dit qu’il n’y aurait plus de place", déplore Christian. "Les foyers de l’enfance et le département ne viennent pas les chercher, donc, ça bouchonne", explique le bénévole du Secours catholique. Lui-même assure s’être présenté à huit reprises à la caserne depuis le 20 août, "mais huit fois on nous a dit : ’Ce jeune doit attendre dans le jardin" qui jouxte la caserne. (...)
Ces jeunes sont, pour la plupart, passés par l’Italie. "Très majoritairement en faisant le trajet Tunisie-Italie", précise encore Michel Seonnet. Seul l’un d’eux, dans le groupe actuel, a transité par l’Espagne, note-t-il.. (...)
U., lui, est arrivé à pied par les reliefs montagneux séparant l’Italie de la France. Il a été pris en charge par la Croix-Rouge qui lui a payé un billet de train pour Nice. Quand le jeune de 14 ans s’est présenté au Secours catholique, le bénévole a "appelé le 115, qui m’a conseillé de joindre une association, qui m’a conseillé d’appeler la responsable d’un foyer de l’enfance, qui m’a dit qu’elle informait le département... Et depuis, plus de nouvelles", retrace Christian. (...)
Ce jeudi aussi, un jeune exilé est arrivé tout droit de Briançon, après avoir franchi la frontière franco-italienne au col de Montgenèvre. L’hébergement y étant saturé - les Terrasses solidaires viennent d’annoncer leur fermeture provisoire -, ce jeune a fait route jusqu’à Nice pour espérer y être correctement accompagné. Sans savoir que là aussi, il se retrouverait sans-abri en attendant son évaluation.
Au total, "une trentaine" de jeunes sont actuellement laissés à la rue en attendant d’être pris en charge, selon Michel Seonnet de Tous Citoyens. Ils dorment autour du jardin ou en bas des immeubles. Certains attendent dans ces conditions depuis presque 15 jours.
Une première mise à l’abri qui en annonce d’autres ?
Depuis jeudi, la saisine du tribunal administratif commence à porter ses fruits. Le jeune concerné par l’audience de ce jour a été mis à l’abri dans la foulée, en fin de journée, après que le département a demandé à Me Zia Oloumi de l’amener dans leurs locaux.
Quid des 30 autres ? Ce vendredi 1er septembre, l’avocat est en cours de négociation avec les services départementaux. Ceux-ci demandent, à nouveau, que les jeunes en errance dans le jardin et aux alentours soient amenés dans leurs locaux. "C’est au département de venir les chercher", soupire l’avocat, "c’est à eux de remplir leur obligation". (...)
La situation est inédite, insistent les associations. "Il y a toujours eu des problèmes de prise en charge : les jeunes devaient attendre 12 à 24h dans la caserne, sans rien à manger, dans un lieu de rétention", signale Michel Seonnet. Les conditions de "mise à l’abri" dans cette caserne, en attendant le transfert des jeunes vers un foyer de l’enfance, posent en effet question au vu des photos transmises à InfoMigrants. (...)
"Le dispositif du département, qui n’anticipe jamais les choses, est à saturation. Même les hôtels et lieux d’urgence, ouverts en cas d’afflux, sont déjà pleins", décrit le responsable de Tous Citoyens. L’avocate Me Mireille Damiano confie à Nice Matin n’avoir "jamais vécu une telle situation. Le manque de résilience, d’anticipation, prend de court le Département".
Dans la nuit du mercredi au jeudi, la police municipale a "délogé des jeunes dormant devant des bâtiments", soulève Christian. La veille déjà, mardi 29 août, la police avait procédé à une évacuation du jardin. Des sacs contenant les affaires personnelles des jeunes ont été confisqués, selon les témoignages des bénévoles et selon Nice Matin.
Parallèlement au recours auprès du tribunal administratif, Me Oloumi envisage de déposer une plainte pour délaissement de mineurs. (...)