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Pourquoi il ne faut pas négocier avec les fonds vautours
Article mis en ligne le 21 février 2016
dernière modification le 16 février 2016

Depuis sa victoire aux élections de novembre, le nouveau président argentin, Mauricio Macri, met toute son énergie à résoudre le litige opposant son pays aux « fonds vautours », ces fonds d’investissements qui rachètent à prix bradé des créances sur les États en difficulté puis les poursuivent en justice dans le seul but de réaliser des profits colossaux. 1600 %, c’est la plus-value fixée en 2012 par un juge new-yorkais sur le dos de la population argentine. C’est sur la base de ce jugement baptisé « le procès du siècle » par certains observateurs, que Macri négocie aujourd’hui avec les fonds vautours.

Forts de ce jugement, les fonds vautours sont désormais prêts à négocier. Macri propose de les payer 6,5 milliards de dollars, soit une décote de 25 % par rapport au montant fixé par le juge, alors que les fonds vautours avaient d’eux-mêmes proposé une décote de 30 % à Kirchner, qui refusait de les payer à des conditions différentes que les autres créanciers (les 93 %). Ces derniers avaient accepté une décote de 70 % de leurs créances suites aux négociations de 2005 et 2010. (...)

L’Argentine prise dans un nid de vautours

Le deal proposé par Macri, s’il devait être accepté, sera très lourd de conséquences pour l’Argentine, bien au delà des 6,5 milliards de dollars à payer. Il ouvrirait la voie à d’autres paiements pour tous les autres « hold out » (les 7 % de créanciers opposés à la restructuration de la dette) pour un montant d’environ 15 milliards de dollars |7|. Cet argent versé à ces créanciers abusifs le sera automatiquement au détriment des dépenses sociales et augmentera l’endettement de l’État. Pour « honorer » ces vautours, le gouvernement argentin vient d’ailleurs d’emprunter 5 milliards de dollars auprès d’un consortium de banques de Wall Street |8|.

Et ce n’est pas tout puisqu’il faut ajouter d’autres paiements à venir, comme le remboursement des dettes à l’égard de la transnationale Repsol. (...)

Des répercussions qui dépassent les frontières de l’Argentine

La négociation en cours sur la base du jugement new-yorkais aura des retombées au niveau mondial. Elle donne clairement le feu vert aux fonds vautours pour poursuivre leur entreprise funeste et valide la jurisprudence « Griesa » avec son interprétation biaisée de la clause « pari passu », qui empêche toute restructuration efficace des dettes. Tous les pays, du Sud au Nord, sont concernés, comme les attaques contre la Grèce viennent de le rappeler.

Les premiers pays menacés sont les États actuellement en situation de surendettement et ceux en passe de l’être. C’est notamment le cas des pays à faible et moyen revenus, exportateurs de matières premières (comme le pétrole) dont le prix ne fait que chuter. (...)

il est vain de compter sur les créanciers « classiques » pour défendre les États dans le collimateur des fonds vautours. En effet, cela fait dix ans que le FMI, la Banque mondiale, le Club de Paris, le G8 puis le G20, s’émeuvent en public de leurs attaques et promettent d’y mettre fin. Or, force est de constater que rien de sérieux n’a été fait. Le nombre de procès intentés par ces fonds spéculatifs a même augmenté depuis 2004 |12|. Les pays africains sont les principales cibles avec huit nouveaux procès par an en moyenne.

Devant cette nouvelle crise de la dette qui se profile, l’inertie des institutions financières internationales et autre cartels de créanciers, il n’y a plus de temps à perdre. Fort heureusement, les outils pour contrer rapidement la stratégie des fonds vautours sont à la portée de tous les États. Nous nous limiterons ici à deux outils juridiques existants : l’adoption de lois contre les « créanciers spéculateurs » et la mise en œuvre de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU sur la restructuration des dettes publiques, adoptée le 10 septembre 2015.

Stopper immédiatement les fonds vautours par la loi

 Les États peuvent agir rapidement et efficacement en prenant des lois pour neutraliser les fonds vautours sans passer par la case « négociation ». De telles initiatives juridiques au niveau national sont fortement recommandées par l’ONU. (...)

 Exercer son droit à restructurer sa dette conformément à la résolution de l’ONU du 10 septembre 2015