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les Echos
Pourquoi Carlos Ghosn ne court quasiment plus aucun risque judiciaire
Article mis en ligne le 10 janvier 2020

Nouvelle saison imprévue au feuilleton « Carlos Ghosn ». L’ancien patron du groupe Renault-Nissan a quitté, lundi, son Alcatraz doré japonais pour rejoindre le Liban, au terme d’une fuite rocambolesque. Arrêté en novembre 2018, puis libéré sous caution cinq mois après, il séjournait depuis dans une villa située près de l’ambassade de France à Tokyo.

« Je n’ai pas fui la justice - je me suis libéré de l’injustice et de la persécution politique », a défendu l’entrepreneur, plaidant le complot politico-industriel.

Carlos Ghosn n’a pas choisi le Liban par hasard : il en est un ressortissant. Né au Brésil mais d’origine libanaise, il est reparti vivre à Beyrouth à l’âge de six ans avec sa mère. Il y a grandi jusqu’à la fin de ses études secondaires, lorsqu’à 17 ans, il part étudier au lycée Stanislas en France. Grâce à son parcours, Carlos Ghosn détient donc les trois nationalités, brésilienne, libanaise et française.
Impossible extradition

Ce qui le protège de plusieurs extraditions. Au Liban comme en France, l’extradition repose sur un principe, celui de la non remise d’un national par son propre gouvernement. Beyrouth ne peut donc extrader Carlos Ghosn vers le Japon puisque l’industriel est considéré comme un citoyen libanais. Le Liban et le Japon n’ont, de plus, pas signé d’accord d’extradition.

Et si, sous la pression du Japon, la France demandait son extradition vers Paris au nom de sa nationalité française pour ensuite l’envoyer à Tokyo ? « C’est impossible, la France ne peut rien exiger, elle n’a aucun droit d’intervenir sur une procédure d’extradition qui concerne le Liban et le Japon », affirme William Julié, avocat spécialiste des questions d’extradition. (...)

D’autant que là aussi, le Liban et la France ne sont liés par aucune convention d’entraide judiciaire en matière pénale, ce qui signifie que le Liban ne serait absolument pas contraint de livrer le fugitif à l’Hexagone. « La France n’a en plus aucun intérêt à se mêler de cette affaire qui est très sensible diplomatiquement », poursuit l’avocat. (...)

Reste la question centrale : que peuvent faire les Japonais ? Selon William Julié, l’hypothèse la plus probable est la diffusion d’un mandat d’arrêt international via Interpol. « A partir de ce moment, Carlos Ghosn ne pourra plus sortir du Liban - sous sa véritable identité - sans risquer de se faire arrêter », indique le juriste. Si Carlos Ghosn venait à se faire interpeller dans un pays où il n’est pas protégé - c’est-à-dire la France ou un pays qui n’a pas signé de convention bilatérale d’extradition avec le Japon - alors il pourrait faire l’objet d’une demande d’extradition vers Tokyo. (...)

L’autre possibilité est que le Japon entame une procédure de « dénonciation officielle » c’est-à-dire qu’il demande au pays où Carlos Ghosn réside de le juger à sa place. « Ce serait stratégiquement une mauvaise idée parce que l’ancien patron de Nissan bénéficierait probablement de sanctions moins lourdes qu’au Japon », prédit William Julié. « Imaginez qu’il soit même acquitté dans un procès en France par exemple, le Japon serait non seulement insatisfait mais devrait se plier au principe du non bis idem, c’est-à-dire ne pas pouvoir juger une personne deux fois pour des mêmes faits », conclut l’avocat.