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Pour le conseil général du Tarn, « la vie », c’est le barrage
Article mis en ligne le 7 mars 2015

Comme si rien ne s’était passé depuis un an, le Conseil général du Tarn a voté vendredi 6 mars l’engagement d’un projet de barrage à Sivens, dans une version plus petite que le plan initial. Sans tenir aucun compte des arguments des opposants.

Ambiance très calme à Albi vendredi 6 mars. Des camions de CRS sont répartis dans les rues autour du bâtiment du Conseil général. Les manifestations ont été interdites, la grille devant l’entrée du Conseil est fermée, l’on entre par l’arrière. A l’étage, les chaînes d’info continue se préparent devant l’entrée de la salle, tandis qu’un employé prépare à la chaîne café croissant pour tous les présents.

Le débat n’aura pas vraiment lieu en séance plénière. Lundi, une réunion s’était tenue à huis clos pour élaborer entre majorité PS et opposition UMP une position commune. Le procédé s’est répété vendredi avec une pré-réunion pour finaliser un texte commun. Un habitué de ces pratiques explique : « C’est comme dans les congrès PS. Plutôt que de poser les désaccords sur la table, on rédige une motion de synthèse qui ne satisfait personne mais qui sera votée par à peu près tout le monde. » (...)

Presque tous les médias nationaux et locaux sont là pour couvrir l’évènement. Le spectacle peut commencer. Les 46 conseillers généraux sont présents. « Nous nous en tiendrons à des débats brefs et concis », lance le président. « Je ne prétends pas que nous ayons eu raison sur tout, mais nos intentions étaient sincères. Si vous avons voté à une très large majorité ce projet, c’était bien pour répondre au besoin en eau sur la vallée du Tescou, nous ne pouvions ignorer ces difficultés incontestables ». La supposée évidence est posée d’entrée de jeu : la vallée du Tescou aurait besoin d’eau et donc d’un barrage. Elle ne cessera d’être répétée par les différentes prises de parole.

« Une retenue redimensionnée dans la vallée du Tescou, sur la zone du projet »

Une seule motion est proposée au vote par Thierry Carcenac. (...)

Au milieu d’un flot unanime, seules trois voix discordantes se font entendre. Roland Foissac, conseiller communiste d’un canton d’Albi, est l’un des trois conseillers généraux qui n’ont pas voté le projet initial et qui a depuis appelé à l’abandon pur et simple du projet de barrage.

Il insiste sur le jugement des citoyens et « non pas les bas instincts, les pulsions brutales qui rabaissent l’homme et révèlent la paresse de la pensée ». Ce sera la seule référence de toute la matinée à la brutalité des milices pro-barrages. Dénonçant « les attitudes de déni depuis deux ans », il considère la gestion du dossier comme « calamiteuse ; ce sont les faits qui m’autorisent à employer ce qualificatif. »

Lucide, il « conçoit que reconnaître de s’être trompé et d’avoir été trompé exige un effort sur soi-même » mais « il faut accepter humblement de se mettre en doute ». Il appelle avant toute future décision à ce que s’engagent « au plus vite les études complémentaires ». (...)

A aucun moment il n’a été question de conflit d’intérêt. Au contraire, Jacques Valax a réaffirmé son soutien à « André Cabot, celui qui a tout pris », malheureuse victime de son cumul de fonctions entre CACG (Compagnie d’aménagement des côteaux de Gascogne), Agence de l’eau et Conseil général. Personne n’a parlé de la CACG, du déboisement illégal, de l’archéologie oubliée. L’écologie a été oubliée, sinon pour rappeler combien les agriculteurs sont raisonnables et vertueux dans leurs pratiques.

Aucun élu n’a évoqué l’importance de la zone humide du Testet, des espèces protégées, de biodiversité, ni parlé de la procédure d’infraction de la Commission européenne au titre de la directive sur l’eau. Et jamais la mort de Rémi Fraisse n’a effleuré le bloc de certitude d’élus qui se considèrent toujours légitimes, à deux semaines de la fin de leur mandat.

Au final, on se retrouve quatre années en arrière, lorsque le Conseil général, avec la même majorité, les mêmes votes et les mêmes arguments, avait voté le projet initial. « Cette assemblée départementale est surréaliste », déplore Françoise Blandel, du Collectif pour la sauvegarde de la Zone Humide du Testet : « Le projet futur posera les mêmes problèmes que le projet initial. La zone humide est détruite, dont une partie de manière irréversible. Ils sont passé dessus comme sur la mort de Rémi Fraisse. »

Quelle issue désormais ? « Nous avions déposé quatre recours sur le fond sur la déclaration d’utilité publique et la destruction de la zone humide, la loi sur l’eau. La justice doit maintenant les juger ». Avec leur avocate, elle entend « faire avancer les jugements, avant le vote de la prochaine assemblée ».

Des études supplémentaires doivent maintenant être faites pour « affiner le nouveau projet ». Et sans doute, un processus réglementaire d’enquête publique et d’autorisations. La bataille de Sivens n’est pas finie.