
Devenir les futurs Leonel Messi, Cristiano Ronaldo ou Kylian Mbappé... Des millions de jeunes à travers le monde en rêvent. De nombreux passeurs et trafiquants d’êtres humains en profitent. Le sport roi, qui génère des milliards à travers le monde, compte malheureusement de très nombreux cas d’exploitation de jeunes, surtout mineurs, dans quasiment tous les pays européens dont, entre autres, le Portugal.
Riba d’Ave, près de Vila Nova de Famalicao, dans le Nord du Portugal, 12 juin dernier. Après de très longs mois d’investigation, la police nationale et le service Portugais des étrangers et frontières (SEF) dans le cadre de l’opération "El Dourado" portent secours à une quarantaine de jeunes, dont 36 mineurs, retenus contre leur volonté dans les locaux de l’académie de football Bsports, depuis des années.
Le monde du sport Portugais est sous le choc. Dans cette affaire, cinq personnes ont pu être identifiées pour l’instant dont l’une des figures proéminentes du football portugais, Mario Costa, président de l’assemblée générale de la ligue. Les trafiquants faisaient venir des dizaines de talents en leur promettant un futur radieux et une carrière professionnelle. Un rêve qui a viré au cauchemar pour des jeunes pris au piège de vendeurs de rêves qui jouent sur les illusions de passionnés de ballon rond. (...)
"Le plus inquiétant, c’est que le nombre de cas est en constante progression, et que les passeurs et trafiquants n’ont pas de limites : ils vont tenter de recruter des personnes toujours plus jeunes, et saisissent les documents de ces mineurs, passeports et papiers d’identité, afin de les retenir coûte que coûte", s’alarme-t-il. "Dès lors les jeunes sont isolés et à la merci de leurs trafiquants".
"Le nombre de plainte explose, environ 500 depuis 2023" (...)
Abdou, du rêve de foot au calvaire de l’académie Bsport
Désormais pris en charge par les services sociaux Portugais, les jeunes footballeurs de l’Académie Bsport tentent de se reconstruire, et de retrouver une vie normale après le calvaire vécu dans la structure sportive privée.
Comme Abdou*, 17 ans, originaire du Guinée-Bissau et recruté par un intermédiaire venu le chercher dans la capitale pour l’amener au Portugal, à l’été 2021. Bercé par le rêve de devenir un jour une star de son club préféré, le FC Barcelone, il joue dans son quartier de Bissau, et à ses 14 ans, intègre une académie locale dirigée par un entraîneur portugais. (...)
Les parents paient. Le jeune continue à s’entrainer dur, et malgré certains jours où la nourriture manque, il ne se plaint pas. Il échange avec certains de ses coéquipiers, dont certains subissent des pressions de la part de quelques entraineurs. Ils racontent qu’ils sont insultés, que les entraîneurs critiquent leur manque d’énergie, ils ont perdu toute confiance. Pire, les passeports et autres pièces d’identité des jeunes ont été confisquées par la direction, ce qui empêche les pensionnaires de se déplacer ou de voir leur famille si l’occasion se présente.
"Une académie qui ressemblait à une prison"
"Durant des mois, ils m’ont empêché de parler à ma famille. Un cousin voulait me payer un billet pour rentrer quelques semaines à Bissau pour voir ma famille, mais la direction ne me donnait aucun accès à mon passeport. Je me suis rendu compte que j’étais pris au piège, que je devais partir de cette académie qui ressemblait plus à une prison qu’à autre chose", précise-t-il.
Abdou a perdu du poids, il déprime, et essaie de trouver une porte de sortie pour fuir, avec quelques-uns de ses compagnons de galère. Jusqu’à ce jour de mi-juin, où la police portugaise a enfin permis aux 47 jeunes d’être libérés du joug de trafiquants. (...)
"Mais je veux aussi que mon témoignage serve à quelque chose, et que la parole se libère pour que ce genre d’histoire soit médiatisée afin de lutter contre ces pratiques criminelles", ajoute-t-il. "Des vies sont détruites, des rêves sont brisés, on exploite des jeunes et leur famille. C’est inhumain, et il faut tout faire pour empêcher cela".