
Le 22 septembre, la Cour de cassation a estimé que les décrochages de portraits d’Emmanuel Macron, destinés à alerter sur l’inaction climatique des pouvoirs publics, ne relevaient pas de « l’état de nécessité ». Ces infractions peuvent en revanche être justifiées par la liberté d’expression.
C’est une semi-victoire pour les décrocheurs de portraits d’Emmanuel Macron. Mercredi 22 septembre, la Cour de cassation n’a pas reconnu que leurs actions — voler les affiches représentant le président dans les mairies pour alerter sur son inaction climatique — relevaient de « l’état de nécessité ». Mais elle a cassé le jugement de huit militants bordelais qui avaient été condamnés en appel à des amendes allant de 250 à 600 euros.
Au mois de juin, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français avait été invitée à étudier le dossier de seize décrocheurs de portraits, originaires des régions de Bordeaux et de Lyon. Il ne s’agissait pas de refaire l’histoire : les activistes avaient déjà eu l’occasion de s’exprimer durant leurs procès, en première instance puis en appel, pour expliquer leurs motivations. Le but des magistrats de la Cour de cassation était de vérifier si, oui ou non, leurs condamnations étaient conformes au droit en vigueur. (...)
Les cours d’appel de Lyon et de Bordeaux avaient estimé qu’il « n’exist[ait] aucun élément » pour considérer que le décrochage des portraits puisse enrayer le danger. Le tribunal de Lyon avait toutefois souligné que le changement climatique était bien un danger actuel ou imminent, contrairement à celui de Bordeaux. (...)
La liberté d’expression peut justifier la commission d’une infraction
« On peut regretter que la Cour de cassation n’ait pas constaté elle-même le caractère de péril imminent du changement climatique, mais elle n’était pas obligée de le faire, a reconnu devant la presse Me Paul Mathonnet, l’avocat des décrocheurs, le 22 septembre. Ce qui est très important, c’est la décision sur la liberté d’expression. »
En septembre 2020, la cour d’appel de Bordeaux avait affirmé que la liberté d’expression ne peut jamais justifier la commission d’une infraction. C’est faux, a rétorqué la Cour de cassation. « Dans certaines circonstances particulières, le fait d’incriminer et de punir le comportement d’un individu peut porter une atteinte excessive à la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’Homme », ont rappelé les magistrats. Ainsi, la Cour estime que les juges pénaux ne peuvent plus condamner un prévenu qui ferait valoir sa liberté d’expression sans examiner de façon concrète cet argument.
La Cour a donc cassé les condamnations des huit décrocheurs bordelais. Leur affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Toulouse, qui devra rejuger le groupe de militants en prenant en compte ces éléments. (...)
« Ce n’est pas ça qui va mettre fin à l’urgence climatique, mais c’est une très bonne nouvelle pour tous ceux qui se battent pour que les pouvoirs publics prennent mieux en compte l’urgence climatique, a poursuivi Me Mathonnet. Je pense que cela va permettre à des mouvements collectifs, tant qu’ils restent dans la non-violence, de s’exprimer sans avoir à subir la contrainte d’une poursuite, d’une condamnation pénale. » (...)
L’avocat a par ailleurs rappelé que les décrocheurs avaient subi de nombreuses gardes à vue prolongées et perquisitions. Lorsqu’ils étaient relaxés, le parquet faisait systématiquement appel. « Tout ceci est une entreprise d’intimidation d’un mouvement qui est là pour éveiller les consciences sur l’urgence climatique et dénoncer l’inertie des pouvoirs publics », a-t-il dénoncé. Depuis le début du mouvement de décrochages, lancé en février 2019, trente-six procès se sont déroulés (avec seulement six relaxes prononcées en première instance). Onze sont à venir.