
Depuis quelques années, le phénomène d’accaparement des terres a pris de l’ampleur, et avec lui ses conséquences désastreuses, notamment sur le continent africain et en Europe de l’Est. En France, on ne connaît pas pour l’instant d’investissements massifs visant les terres de la part des grandes entreprises multinationales. Pour autant, on peut bien parler de confiscation du foncier agricole, qui se développe de différentes manières, plus ou moins insidieuses. Petite typologie non exhaustive de ce qui prive les paysans et paysannes de leur outil de production.
Dans son livre Les paysans dans la lutte des classes, le syndicaliste paysan Bernard Lambert distinguait déjà en 1970 les « paupérisés » – les paysans contraints de rejoindre le prolétariat industriel faute de fermes assez grandes pour être compétitives – des « prolétarisés » – obligés d’investir sans relâche pour se maintenir dans la compétition, et donc d’absorber peu à peu les terres laissées par ceux qui partaient.
En France, le statut du fermage et les baux ruraux que celui-ci régit, issus des conquêtes sociales d’après-guerre, limitent considérablement les droits des propriétaires [1] ; cependant, la « modernisation » de l’agriculture a entraîné une diminution drastique du nombre de paysans et paysannes.
La course à la productivité et à la spécialisation de l’agriculture a profondément accentué la concentration des outils de production et creusé les écarts entre petites fermes et grandes exploitations. Plus récemment, d’autres phénomènes de confiscation des terres sont apparus : arrivée d’investisseurs privés, pression urbaine, « écotourisme », etc. D’ampleur et de visibilité variées, toutes ces transformations entraînent des formes d’accaparement tout autant préoccupantes. (...)