J’emploie l’expression « peuples en danger » en pensant à une transposition du fameux article 223-6 du Code pénal, qui punit la non-assistance à personne en danger. Il se passe en Europe quelque chose de comparable. Les dangers qui menacent les peuples sont à la fois réels et sérieux : le chômage explose, les revenus fondent, les inégalités s’accroissent, la précarité gagne, etc. Un mensuel aussi modéré qu’« Alternatives économiques » a choisi de titrer son numéro de décembre : « Arrêtez la casse ! » C’est dire.
Que se passe-t-il donc ? Chez nous, en France, la perspective de la présidentielle empoisonne la réflexion à ce sujet. Chacun paraît soucieux de donner raison à son camp : les uns incriminent mécaniquement Nicolas Sarkozy, les autres ironisent sur les « chimères » de la gauche. Pour le reste, on ramène tout à un duel historique entre une Allemagne soucieuse de stabilité des prix et une France qui voudrait infléchir le sacro-saint statut de la Banque centrale européenne. (...)
Les politiques restrictives, en tuant la croissance, privent l’État de recettes supplémentaires et aggravent mécaniquement leur endettement. Et cela en dépit des économies qui pourront être faites (ou imposées). Là est la vraie question. Il serait fou de minimiser la gravité de la dette. J’en suis bien d’accord. Mais cette stratégie du père Fouettard ne fera que la creuser un peu plus, si rien n’est entrepris dans le même temps pour relancer notre économie, l’emploi, la cohésion sociale, etc.
Ces politiques d’austérité ressemblent à celles, dites « déflationnistes », qui furent lancées après la deuxième arrivée de Pierre Laval au pouvoir, de juin 1935 à janvier 1936 : baisse des retraites, réduction drastique des dépenses publiques, diminution du nombre de fonctionnaires et des salaires. Les effets de la grande crise de 1929 en furent dramatiquement alourdis. Nous eûmes le Front populaire, en 1936, puis la guerre, en 1939.
Les dirigeants européens auraient-ils perdu la mémoire ?