
Attac vous propose, dans ce petit guide, une revue des enjeux des politiques menées en Europe, ainsi que des luttes et alternatives qui s’y développent. Nous en sommes persuadés : les mouvements de résistance à l’offensive néolibérale en cours en Europe peuvent rassembler et inverser la tendance.
Depuis l’éclatement de la crise, les gouvernements européens et la Troïka - la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international - mettent en œuvre des coupes budgétaires dans les programmes sociaux (austérité) et des politiques au service des multinationales et investisseurs privés (compétitivité). Mais ces mesures suscitent de fortes résistances sociales dans de nombreux pays européens.
Le rouleau compresseur des mesures d’austérité et de compétitivité est placé sous le signe de TINA, le surnom de Margaret Thatcher : There Is No Alternative (« il n’y a pas d’alternative »). Ainsi partout en Europe, les gouvernements issus de la droite ou de la gauche appliquent le même programme, inévitablement présenté comme « douloureux mais nécessaire ». Et ce alors même que ses résultats sont catastrophiques : aggravation du chômage, de la crise économique, tensions sociales… et retour en force de l’extrême-droite.
Pourtant, des alternatives existent. Des mouvements sociaux se lèvent dans les pays les plus touchés par la crise. Ils contestent les privatisations, les reculs sociaux, la mise en pièce de la société et de la nature. Ces luttes, qui tentent de se coordonner au plan européen, se multiplient et dessinent d’autres projets de sociétés, mettant les besoins écologiques et sociaux de tou.te.s avant les profits d’une minorité. (...)
Des luttes sociales en Europe
Le plus emblématique des mouvements nés de la contestation des politiques austéritaires en Europe est le mouvement des places. Celui-ci a débuté en Espagne, le 15 mai 2011. Des dizaines de milliers d’étudiant.e.s, de chômeurs et chômeuses, d’actifs et de citoyen.ne.s de tous âges ont exprimé leurs colères.
Ils appelaient à une vraie démocratie. Inspiré.e.s par les révolutions des peuples arabes, ils ont décidé de camper sur la place centrale de Madrid. Cette initiative faisait suite à une manifestation historique au Portugal à l’initiative de jeunes précaires ; elle a aussi essaimé en Grèce, où un mouvement des Indigné.e.s s’est installé sur la place Syntagma, en face du Parlement grec.
Ces mobilisations ont contribué à mettre en mouvement, contre la résignation ambiante, des centaines de milliers de personnes. Elles ont préparé le terrain pour des victoires importantes contre les expulsions locatives, ou contre le projet de privatisation des hôpitaux dans la région de Madrid, abandonné en février 2014 après plus d’un an de mobilisation.
En Grèce, le mouvement des places a initié de vastes mobilisations contre la privatisation de l’eau, la réouverture des mines d’or, ou encore des initiatives de solidarité locale comme celle des dispensaires sociaux autogérés. Les assemblées de quartiers ont permis un renouveau de la gauche, qui s’est aussi traduit par les succès électoraux de Syriza (parti de la gauche grecque). Ce mouvement a donc à la fois obtenu des victoires concrètes et contribué à renouveler le paysage de la contestation sociale aux plans syndical et politique.
Le mouvement des places a aussi contribué, en lien avec les centrales syndicales des pays du Sud de l’Europe, à l’organisation d’une grève générale simultanée en Espagne et au Portugal, le 14 novembre 2012, avec des manifestations contre l’austérité organisées le même jour dans la plupart des pays européens.
En Italie, en 2010, la mobilisation des comités citoyens pour l’eau publique a permis de mettre un coup d’arrêt à la privatisation de l’eau. Cette mobilisation populaire a permis de rassembler les signatures nécessaires pour l’organisation d’un référendum abrogatif organisé en 2011. Malgré la désinformation, la privatisation a été massivement rejetée, avec une participation record.
Validant ainsi le slogan des comités citoyens “Ça s’écrit EAU, mais ça se lit démocratie !” En France, c’est le projet de nouvel aéroport à Notre- Dame-des-Landes, qui cristallise la colère citoyenne contre un modèle de société où le développement économique se fait contre la nature et contre les peuples.
La France a également connu à partir de 2011 un vaste mouvement populaire contre l’exploitation des gaz de schiste, qui a abouti à la mise en place d’un moratoire sur l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels. A ce mouvement, fait écho la forte mobilisation anti-gaz de schiste en Pologne, où paysan.ne.s et citoyen.ne.s ont provisoirement empêché la multinationale états-unienne Chevron d’exploiter le sous-sol.
L’Europe de l’Est et les Balkans ont connu une séquence de mobilisations historiques, avec des manifestations très importantes en Roumanie, en Bulgarie, et plus récemment en Bosnie et en Slovénie.
En Allemagne, devant la Banque centrale européenne, les mobilisations “Blockupy Francfort”, organisées depuis 2012, dénoncent l’Europe de la finance. En Grande-Bretagne, la Coalition of Resistance, qui rassemble syndicats, mouvements citoyens et les No cuts, est à l’origine de manifestations sans précédent depuis des décennies contre le plan d’austérité drastique du gouvernement Cameron.
Ces mouvements discutent ensemble, se rencontrent à l’occasion permettant la création de réseaux de mobilisation européens, c’est le cas sur la santé, sur le logement. Si une riposte générale n’est pas encore à l’ordre du jour, ces mouvements constituent néanmoins des embryons nécessaires pour dessiner des alternatives nationales mais aussi européennes.
Conclusion
Dans de nombreux pays, les citoyen.ne.s s’organisent et se mobilisent. Au plan local ou national, articulées ou non au plan européen, ces mobilisations contribuent à des victoires contre les politiques néolibérales, et ouvrent la voie à des ruptures politiques. Celles-ci impliquent l’émergence de forces politiques progressistes, à laquelle les mouvements sociaux contribuent tout en gardant une autonomie exigeante. (...)