
Selon le Défenseur du peuple, 915 femmes, dont 606 mineures, ont disparu entre le 16 mars et le 30 juin. Le problème, endémique dans le pays, a été accentué par la crise sanitaire et les manquements des autorités. (...)
« Qui se soucie des 915 Péruviennes disparues pendant le confinement ? », interrogeait, le 21 juillet, le site d’investigations péruvien Convoca. La disparition de femmes est un problème endémique au Pérou, mais le phénomène s’est accentué à la faveur de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19. (...)
« Toutes les trois heures, une femme disparaissait, résume Convoca. Un chiffre qui mettrait n’importe quel pays du monde en alerte, à l’exception du Pérou, où la violence contre les femmes semble être naturalisée. »
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« Nous devons savoir ce qui leur est arrivé », a ainsi tonné le Défenseur du peuple, Walter Gutierrez, à la radio RPP. « Comment peuvent-elles être portées disparues alors que tout l’espace public a été occupé par la police et l’armée ? Il n’y avait ni aéroport en service, ni transport. La police ne nous a donné aucune explication », a déploré Eliana Revollar, son adjointe aux droits des femmes.
Face à la situation économique devenue intenable pour certains ménages, des centaines de personnes s’étaient lancées sur les routes, malgré le confinement obligatoire.
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Un cadre juridique mais pas d’outil efficace
Certaines femmes et jeunes filles sont réapparues depuis la levée du confinement, le 1er juillet. Il est cependant impossible d’en connaître le nombre avec certitude, de même que celui correspondant à celles manquant toujours à l’appel.
En théorie, le Pérou dispose d’un cadre juridique structurant les recherches des personnes disparues, en vertu d’une loi du 11 juillet 2003, qui ordonnait la création d’un registre national d’informations destiné à centraliser tous les cas de disparition. Mais, dix-sept ans plus tard, cet outil n’a toujours pas été mis sur pied.
En outre, il n’existe aucune plate-forme en ligne, ouverte aux institutions publiques et privées ainsi qu’à la société civile, pour faciliter le travail de recherche en relayant, entre autres, les avis de recherche.
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« il y a une résistance à enquêter sur ces affaires », juge Eliana Revollar auprès de l’Agence France-presse. D’après les associations féministes, la police et les procureurs estiment le plus souvent que ces disparitions relèvent de départs volontaires du foyer, indépendamment du nombre élevé de féminicides, mais aussi de la traite des êtres humains et de la prostitution forcée sur le continent, rappelle le site Pueblo y Sociedad Noticias. (...)
Katherine Soto, elle, appelle à des actions concrètes du gouvernement, arguant que faute de données sur la disparition des femmes (statistiques, facteurs de disparition, variables, lieux) et de pouvoir analyser les cas, elles deviennent invisibles et n’obtiennent jamais justice. (...)
Le Pérou a pourtant ratifié le traité issu de la convention interaméricaine de Belem do Para de 1994, pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre les femmes, qui établit que les Etats ont l’obligation de mettre en place des mécanismes pour prévenir les disparitions, en réduire les risques et renforcer les moyens de réponse immédiate. Dans le cas contraire, ils deviennent responsables « par omission active », insiste Convoca.