
Ces derniers mois, l’Union européenne (UE) a déployé tous les efforts possibles, y compris des moyens militaires, pour protéger sa frontière de ce qu’elle présente sans relâche et à tort comme une menace à sa sécurité intérieure. En détournant le regard des violations des droits perpétrés en Turquie ainsi que de ses obligations internationales envers les personnes migrantes et réfugiées, l’UE et ses Etats membres mettent en danger – directement et honteusement – la vie de millions de personnes.
Le 7 mars 2016, les chefs d’Etats et de gouvernement se réuniront avec les autorités turques à Bruxelles, après avoir rencontré le premier ministre et le président turcs ainsi que les représentants de l’OTAN et de Frontex le 4 mars 2016 à Ankara. Depuis octobre 2015, la Commission européenne et ses Etats membres déploient leur « plan de coopération UE-Turquie » sur la migration qui vise à « tarir les flux migratoires » ainsi que l’a exprimé sans détour le président du Conseil de l’UE.
Un certain nombre de mesures ont été prises pour mettre en œuvre ce plan. L’Union pousse notamment pour l’inscription de la Turquie sur la liste des pays d’origine sûrs, pour la renégociation de l’accord de réadmission controversé UE-Turquie de 2014 afin que les non-Turcs puissent être renvoyés en Turquie avant la date initialement prévue, et déploie des moyens civils et militaires contre les personnes migrantes et réfugiées (Frontex, opération OTAN). En parallèle, les Etats membres n’ont pas été capables de respecter leurs engagements de réinstallation et de répartition des personnes réfugiées.
Les autorités turques n’ont eu, de leur côté, aucun scrupule à conditionner leur coopération au versement de 3 milliards d’EUR, un « accord dangereux » largement dénoncé par les organisations de défense des droits humains. Une telle collaboration est non seulement immorale, mais aussi illégale. En bloquant les personnes loin de son territoire par tous les moyens, l’Union européenne viole le droit de quitter tout pays et le droit de demander l’asile, contrevenant ainsi aux obligations juridiques qui sont les siennes selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Pacte International sur les Droits Civils et Politiques, et la Convention de Genève relative au statut des Réfugiés. Cette coopération expose potentiellement les personnes à des formes de discrimination, voire de violence, en Turquie, pays où la situation des droits humains a rarement été aussi préoccupante. (...)
Si la notion de « pays sûr » est, en soi, en opposition totale avec la notion d’asile, l’ambition de l’UE d’inscrire la Turquie comme un pays sûr relève assurément d’un aveuglement volontaire aux fins de contrôles aux frontières. Que ce soit pour les minorités et les opposants, ou encore pour les étrangers, la Turquie ne peut être qualifiée de sûre.
L’absence de réaction de l’Union européenne à ces violations des droits est tristement emblématique d’une volonté délibérée d’ignorer le penchant autoritaire de son interlocuteur, reléguant sa politique des droits humains au rang d’un vœu pieu.
Le respect des droits humains ne peut être l’otage d’une politique de gestion des frontières, en particulier lorsque celle-ci est engagée contre des hommes, des femmes et des enfants. (...)