
Suite à l’arrestation et la détention d’Esra Mungan, Muzaffer Kaya et Kivanç Ersoy, de nombreux universitaires français appellent « la Commission européenne ainsi que le Conseil de l’Europe à prendre toutes les mesures appropriées pour obtenir du gouvernement de Turquie la libération immédiate des universitaires emprisonnés, dans le respect de la liberté d’opinion et des droits de l’homme pour toutes les habitantes et tous les habitants du pays. »
L’arrestation et la détention de nos collègues Esra Mungan (Bogazici University), Muzaffer Kaya (désormais renvoyé de Nisantasi University) et Kivanç Ersoy (Mimar Sinan University) en raison de leur signature de la pétition « Academics for Peace » (« une pétition faisant l’apologie du terrorisme » selon le juge) est aussi révoltante qu’elle est inquiétante. Elle s’inscrit dans le cadre de la répression lancée par le régime Erdogan non seulement à l’égard des universitaires critiques, d’avocats, de journalistes, d’associatifs, mais aussi contre les Kurdes. Depuis la réélection de Recep Tayyip Erdogan, les Kurdes sont confrontés à des actes de guerre perpétrés aussi bien dans les grandes villes de l’est du pays, à la faveur du couvre-feu, qu’à l’extérieur, dans le nord de la Syrie où il se battent contre Daech. Cette répression féroce est à mettre en relation avec le traitement réservé aux nouveaux réfugiés de Syrie, en partie bloqués à la frontière au sud-est du pays. A l’égard de toutes les victimes de ces actes de violence répressive, il en va du respect des droits humains les plus élémentaires.
Sur tout cela la Commission européenne et surtout le Conseil de l’Union européenne se taisent. Leur silence est la contrepartie de l’odieux marchandage qu’ils viennent de confirmer : trois milliards d’euros (s’ajoutant aux trois milliards en principe accordés en novembre dernier) pour obtenir de la Turquie qu’elle garde sur son territoire des réfugiées et réfugiés dont le nombre s’élève désormais à près de trois millions, et qu’elle reprenne, dans un échange flou, celles et ceux qui seront renvoyés de Grèce après le tri effectué dans les « hotspots » imposés par l’UE à ce pays. Ainsi les autorités européennes se font indirectement les complices des exactions commises par un régime de plus en plus autoritaire. (...)