
La Commission européenne dénonce enfin le lien entre évasion fiscale et pauvreté
C’est une petite révolution. Pour la première fois, la Commission européenne a pointé officiellement du doigt le lien entre paradis fiscaux, entreprises et pauvreté. Mieux, dans une communication du 21 avril, elle fait sienne l’une des principales recommandations de la confédération internationale Oxfam en la matière : la présentation transparente des comptes des multinationales, pays par pays. Maylis Labusquière, chargée de plaidoyer à Oxfam France, explique la portée d’un tel changement et la nécessité de renforcer la pression sur nos dirigeants pour que ces prises de position aboutissent à des décisions concrètes.
...Parmi les différentes recommandations, la Commission européenne souligne explicitement pour la première fois la nécessité d’augmenter les ressources fiscales et budgétaires des pays du Sud et surtout la responsabilité de la communauté internationale dans l’évasion et la fraude fiscale au détriment des Etats pauvres, privés de ressources primordiales pour leur développement. Chaque année, ce sont près de 800 milliards d’euros de capitaux en provenance des pays du Sud qui échappent à la taxation, abrités dans des paradis fiscaux. Ce montant représente à lui seul dix fois celui de l’aide publique au développement dans le monde...
Cette communication de la Commission européenne constitue une petite révolution, d’abord parce qu’elle affirme que le renforcement de l’administration fiscale des pays du Sud est une priorité dans la lutte contre la pauvreté, un point jusque-là négligé par l’aide internationale. Ensuite et surtout, parce qu’elle désigne les multinationales - et donc implicitement certaines entreprises européennes - comme les premières responsables des pertes fiscales des pays du Sud....
pour la première fois, elle fait le lien entre paradis fiscaux, entreprises et pauvreté. Elle soutient ainsi l’une des cinq recommandations essentielles qu’Oxfam France défend, notamment dans le rapport de la campagne Hold-up sur la responsabilité sociale, environnementale et fiscale des multinationales : la présentation transparente des comptes des multinationales pays par pays.
...Imposer à ces multinationales de présenter des comptes pays par pays, ce que préconise désormais la Commission européenne, permettrait de comparer l’activité réelle de ces entreprises dans un pays aux profits qu’elles y déclarent. Cette simple mesure de transparence contribuerait à dissuader les multinationales de recourir aux paradis fiscaux et donc à renforcer les ressources fiscales des pays pauvres....
Tout l’enjeu, désormais, est que les Etats membres, au premier rang desquels la France et la Grande-Bretagne qui ont déjà travaillé sur ces questions, s’approprient les recommandations de la Commission, prennent des décisions concrètes et jouent un rôle moteur au niveau européen. Or, aujourd’hui, aucun calendrier n’est fixé, ni au sein des Etats membres, ni au niveau des institutions européennes...
Les organisations de la confédération internationale Oxfam, dont Oxfam France, conjuguent donc leurs efforts pour maintenir la pression sur les dirigeants de chaque Etat et au niveau européen. Mais la fiscalité, prérogative régalienne des Etats, reste un sujet très sensible, d’autant plus que l’Union européenne compte parmi ses membres des paradis fiscaux notoires comme le Luxembourg qui s’échinent à bloquer toute décision en la matière.
Les résultats auprès de la Commission européenne sont certes très encourageants, mais il est capital de continuer à se mobiliser pour faire en sorte que des décisions soient enfin prises dans le domaine de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux, dans l’intérêt des Etats pauvres mais aussi des Etats européens confrontés à des déficits records.