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« On est torturés, on est humiliés » : 44 sans-papiers en grève de la faim au CRA de Vincennes
Article mis en ligne le 12 janvier 2019

Le mouvement est parti de Vincennes, où une grève de la faim et une mobilisation ont émergé pour faire valoir les droits des sans-papiers retenus au centre de rétention administrative (CRA). A Vincennes comme ailleurs en France, les femmes et les hommes retenus dénoncent des conditions de vie inhumaines et des violences policières récurrentes.

Ils n’ont commis aucun délit mais ils vivent enfermés, retenus dans des centres de rétention, les fameux CRA, « où les douches sont dégueulasses et où la bouffe est immonde. » Plusieurs dizaines de sans-papiers du CRA de Vincennes ont donc choisi de se mobiliser, comme ils l’affirment dans un appel publié le 3 janvier et relayé par le blog « A bas les CRA ! ». Quarante-quatre d’entre eux, selon nos informations, ont même commencé une grève de la faim pour alerter sur leurs conditions de vie.

“Il y a eu des copains (retenus) tabassés puis déportés en étant casqué, bâillonné et scotché, écrivent-ils. Il y a eu des copains drogués qui se sont réveillés de retour dans un pays où ils ne connaissaient plus grand monde. On a tous une histoire différente, qu’on soit travailleur, étudiant depuis peu en France ou vivant ici depuis presque 20 ans. Et on a tous le droit de vivre ici, où on a nos attaches. Mais nous sommes enfermés dans ce centre de rétention. ” Lundi dernier, une soixantaine de personnes s’est réunie devant le CRA de Vincennes pour crier leur solidarité avec les grévistes de la faim. « On mange rien, on ne fait rien, mais on ne voit rien (changer) », dit au Bondy Blog Nyang, gréviste au CRA 2.

Chaque année, environ 50 000 étrangers en France sont enfermés dans ce type de centres. La loi “asile et immigration” permet, depuis le 1er janvier dernier, de prolonger cet enfermement, dont la durée maximale est passée de 45 à 90 jours. Cependant, certains passent plus de temps enfermés, car si non expulsés et libérés au terme de leur rétention, certains sont mis en garde à vue avant d’être retenus à nouveau ou même mis en prison. (...)

Il est rapporté qu’une prisonnière a “été violée par un policier avant les fêtes de fin d’année” et que “rien n’a été fait pour elle.” Les conditions sanitaires et l’arbitraire policier sont aussi décriés. Le 11 janvier au matin, c’est à Oissel (Seine-Maritime) que trente personne ont rejoint le mouvement. Le 30 décembre dernier, des retenus de Oissel sonnaient l’alarme sur le mauvais état du CRA, la “torture physique et morale” infligée par les policiers et demandaient la fermeture du centre, entre autres.

Le Bondy Blog a obtenu le témoignage d’Abdou (son prénom a été modifié, à sa demande et « par peur des représailles« ), retenu au CRA 3 de Vincennes. « On est torturés, on est humiliés, il n’y a pas de droits de l’homme ici. Chaque jour, on vit dans le stress, raconte-t-il. Des gens sont frappés, mis dans des chambres sans que personne ne soit au courant, on est sous pression. […] On est dans le 12e arrondissement de Paris. Pourtant, on dirait qu’on n’est pas en France.” (...)

La France championne d’Europe… de l’enfermement des étrangers
A travers la France, des manifestations à l’intérieur et l’extérieur des CRA éclatent régulièrement. En 2018 seulement, des grèves de la faim et manifestations à l’intérieur comme à l’extérieur des CRA ont éclaté à Rennes à plusieurs reprises cet été, à Marseille en août, à Sète en juin 2018. Des protestations qui couvrent une réalité générale de traitements abusifs, violations des droits, conditions déplorables, incertitudes quand à la finalité de l’enfermement, entre autres. La Cimade a recensé quelques uns de ces témoignages dans un fil Twitter. (...)

En 2017, un rapport des six associations intervenant dans les CRA dresse un constat accablant : “La France est de loin le pays de l’Union européenne qui enferme le plus de personnes étrangères au seul motif qu’elles ne peuvent pas présenter le bon papier au bon moment lors d’un contrôle de police.” Le rapport pointe les illégalités des enfermements, les renvois de ressortissants de pays en guerre (Syrie, Soudan, Irak, Erythrée, Afghanistan), des violations des droits plus fréquentes et la détention de plus en plus fréquente d’enfants, entre autres.

La situation est en passe de s’aggraver : depuis le 1er janvier 2019, de nouvelles mesures de la nouvelle loi asile et immigration accentuent la logique de rétention au nom d’un politique d’efficacité : retenir plus pour expulser plus, en somme. (...)