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Numériser les gènes pour posséder le vivant sans partage ?
Article mis en ligne le 10 avril 2018
dernière modification le 9 avril 2018

En 1992, la Convention sur la diversité biologique (CDB) a placé les ressources génétiques sous la souveraineté des États. Pour les utiliser, une entreprise doit donc demander l’autorisation à l’État concerné après l’avoir informé de l’utilisation qu’elle compte en faire, et signer un contrat de partage des bénéfices réalisés. Mais aujourd’hui, les entreprises cherchent à contourner ces obligations de consentement préalable et de partage des bénéfices en construisant des bases de données de séquences et d’informations génétiques numérisées... librement accessibles ! Numérisation versus partage des bénéfices : cet article décrit les enjeux de cette bataille.

Des génomes de plantes, animaux ou micro-organismes ont déjà été partiellement ou entièrement séquencés. Et la quantité de séquences génétiques obtenues va croissante. Car depuis une vingtaine d’années, les techniques de séquençage des génomes évoluent, varient, changent… À tel point que le récent forum économique mondial de Davos en Suisse a promis début 2018 un financement de quatre milliards de dollars sur dix ans pour séquencer le génome de tous les organismes vivant sur Terre. Mais plusieurs bases de données mettant en ligne des collections de ces séquences génétiques existent déjà. Et des programmes ambitionnent d’harmoniser l’accès aux différentes bases de données qui recensent de telles séquences de génomes, comme le programme controversé Divseek depuis 2014 [1].

Comment gérer ces données obtenues par séquençage du génome et collecte des fonctionnalités d’organismes vivants, et notamment de plantes ? Comment réglementer leur utilisation ? C’est pour en discuter que les pays signataires de la CDB se sont réunis du 4 au 17 décembre 2016 à Cancun (Mexique) au cours d’un atelier intitulé « Information de séquençage numérique sur les ressources génétiques ». Pas de conclusion, mais un mandat pour qu’un comité technique ad hoc d’experts de la CDB avance sur ce sujet. Ce comité qui s’est réuni une première fois à Montréal en février 2018 [2]. Participent à ce comité quatorze États dont le Congo, le Mexique, les Philippines, le Canada, les États-Unis (non membre de la CDB), l’Argentine ou l’Union européenne, des associations comme Third World Network, des collectifs de recherche internationaux comme le CGIAR [3], des instances internationales comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Traité international sur les ressources génétiques pour l’agriculture et l’alimentation (Tirpaa), la Chambre Internationale du Commerce…

Convention, traité : de bonnes intentions non concrétisées

Pour œuvrer à conserver la diversité biologique, assurer que son utilisation soit « durable » et que toute exploitation commerciale des ressources génétiques la composant fasse l’objet d’un partage juste et équitable des bénéfices tirés, la Convention sur la diversité biologique seule ne peut rien faire. Elle doit être mise en œuvre par un texte international contraignant, un Protocole. (...)

Face à la dispersion des points de vue, la réunion de février 2018 à Montréal a conclu que plus de discussions étaient nécessaires pour « trouver une balance entre une terminologie suffisamment adaptable et dynamique pour s’adapter aux changements scientifiques, technologiques, commerciaux et autres, et dans le même temps être suffisamment claire et solide pour fournir une base juridique certaine ». Les discussions continuent donc… Prochaine étape ? Une réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques à la CDB (SBSTTA) en juillet 2018 à Montréal sur ce sujet avant une grande réunion des Parties à la Convention sur la Diversité Biologique qui se retrouveront à l’automne 2018 en Égypte.