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Nouveaux EPR : salle comble pour le lancement du débat public
#EPR #débat nucléaire
Article mis en ligne le 29 octobre 2022

Pro et antinucléaires se sont emparés du débat public sur la construction des nouveaux réacteurs nucléaires. L’enjeu : « éclairer les parlementaires » appelés à voter la loi de programmation énergie climat.

« Concernant le nucléaire, les citoyens et les citoyennes ont généralement l’impression que la décision est déjà prise et qu’ils sont mis devant le fait accompli », a lancé l’animatrice à Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public et ex-secrétaire d’État chargée de l’écologie [1]. « Souvent, c’est plus qu’un sentiment, c’est une réalité ! » Cela sera-t-il différent cette fois ? Le débat public national sur le nucléaire a débuté jeudi 27 octobre à Dieppe et à Paris, à la Maison de l’Europe, [2] et durera quatre mois. Il portera sur la construction de deux réacteurs nucléaires supplémentaires de type EPR2 dans la centrale nucléaire de Penly, près de Dieppe, en Seine-Maritime (76). Ce débat est une obligation légale, à la dimension tant locale que nationale. Pas question de revoir radicalement la place du nucléaire en France, mais l’idée est que les Français « participe[nt] à l’élaboration des décisions sur ce sujet », comme le dit la CNDP — créée il y a vingt-cinq ans. Concrètement, « toutes les options sont ouvertes », assure EDF, et même la remise en question de « l’opportunité du programme et du projet proposés ». (...)

Le thème de cette première réunion ? L’utilité dudit débat. Il a « vraiment vocation à éclairer les parlementaires », a précisé Chantal Jouanno. Ces derniers sont appelés à voter la loi de programmation énergie climat en 2023. Résultat de ce premier jour : se sont exprimés, lors de prises de parole chronométrées, des pronucléaires — ingénieurs EDF, maires de communes... — et des anti — ONG, citoyens lambdas, élus... À Dieppe et à Paris, les salles étaient pleines. Les gens levaient leurs mains avec entrain, galvanisés par l’espoir d’être enfin pris en compte, et tant pis si l’on s’écartait du thème de l’utilité du débat. (...)

Il y avait aussi, bien sûr, les représentants d’EDF, qui parlaient d’indépendance énergétique et d’énergie décarbonée : « Nous sommes convaincus que construire un certain nombre de réacteurs forte puissance en France est une bonne option pour contribuer à l’indépendance énergétique du pays, et à la production d’une énergie bas carbone. Je suis passionné par cette proposition », a assuré Xavier Ursat, directeur de l’ingénierie et des projets du nouveau nucléaire chez EDF. (...)

Il y a un mois, le gouvernement présentait son « projet de loi pour l’accélération du nucléaire » : un texte visant à faciliter la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en l’occurrence les six EPR2 annoncés par Emmanuel Macron à Belfort, en février dernier. Face à l’annonce de ce projet de loi, les associations de défense de l’environnement avaient crié au scandale, accusant le gouvernement de faire passer le texte au forceps, de manière antidémocratique, et sans qu’il y ait eu de débat public sur la question. Pour beaucoup d’entre eux, hier, planait le spectre de l’échec du débat public de 2005 sur le projet d’EPR de Flamanville (...)

Face aux pronucléaires, les anti étaient bien présents : associations environnementales, notamment Greenpeace à Dieppe, le Réseau Action Climat à Paris, ou encore Sortir du nucléaire. La section normande d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) a également pris position contre le projet dans un communiqué de presse. À Dieppe, Véronique Bérégovoy, conseillère régionale d’EELV a insisté sur l’importance d’un débat démocratique et mis en garde contre la puissance des lobbies du nucléaire. Elle s’est attachée à déconstruire tous les « mythes » du nucléaire, notamment celui sur l’indépendance énergétique qu’il permettrait, « puisque nous importons 100 % de notre uranium ». Le mythe de l’énergie bas-carbone aussi, qui « occulte toute la chaîne industrielle depuis l’extraction jusqu’à la gestion des déchets, en passant par la construction des centrales ». Le mythe d’une énergie nécessaire à la transition écologique, qui « masque la réalité qu’il faudrait en fait quinze ou vingt ans voire plus pour construire ces réacteurs ».

« Je refuse d’être complice de cette incroyable gabegie économique »
(...)

Vêtu d’une polaire à carreaux qui détonne dans l’assemblée, Dominique Boutin, président du réseau énergie de France Nature Environnement, a enchaîné : « Je refuse d’être complice de la poursuite de cette filière qui a démontré son incapacité à répondre économiquement, socialement, techniquement et environnementalement aux enjeux du siècle. Je refuse d’être complice de l’incroyable gabegie économique qui va retomber sur le dos du contribuable. Je refuse de… » À Dieppe, sa tirade qui dépasse le temps de parole réglementaire reçoit un tonnerre d’applaudissements. (...)

Ce temps contraint était frustrant pour les orateurs, qu’ils soient opposés ou favorables au projet. « Ça sert à quoi de faire un débat si on nous interrompt sans arrêt ? » ronchonne l’un d’eux. Les membres de la CNDP ont tenté de rassurer l’auditoire : « Cette réunion d’ouverture à un caractère très institutionnel, mais ce ne sera pas la tonalité du reste du débat. » Sont prévus des temps de parole plus horizontaux et des échanges informels sans chronomètre.