La grande foire bisannuelle de l’automobile se tient à Paris jusqu’au 16 octobre. Les constructeurs ne jurent plus que par l’électrique, le tailleur n’est plus obligatoire pour les hôtesses, les commerciaux portent des jeans. Mais partout la même petite musique de la voiture individuelle synonyme d’aventure, de vitesse et de distinction sociale. On est allé voir.
(...) c’est plein de curiosité qu’on a embarqué en métro, avec Romain, le photographe, vers le fameux Mondial de l’automobile. On se demandait à quoi pouvait ressembler une telle institution dans un monde qui change. Plus de cent ans que ça existe, et plus d’1,2 million de visiteurs lors de la dernière édition en 2014… Le genre d’événement incontournable dont la presse parle pendant des jours. On se doutait bien qu’on n’en était pas encore à le renommer « salon du covoiturage », mais bon, c’est bien connu, en France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées…
Un vrai bol de nature
Les constructeurs automobiles n’en manquent pas pour leurs publicités qui inondent les stations de la ligne 12. Quand on est monté dans la rame retapissée aux couleurs de la nouvelle Golf GT Hybride rechargeable, avec ce slogan « Transport peu commun », on s’est dit que les industriels de l’automobile maniaient bien la dérision… Au moins, ça a le mérite de poser l’ambiance : le mythe de la voiture individuelle a trouvé sa légende, la voiture électrique. (...)
le marché du véhicule électrique a dépassé les 20.000 immatriculations depuis janvier 2016, avec une progression en septembre de + 35 % par rapport au début de l’année.
Les marchands de voitures n’ont pas lésiné sur la mise en scène : chez Opel, pelouses vertes synthétiques autour d’un décor de jungle luxuriante. Un vrai bol de nature pour observer le totem qui pivote lentement de manière circulaire, au milieu de la scène : l’Ampera-e, une 100 % électrique qui promet une autonomie de 500 km. Une « révolution sur le marché ». Et pour les amateurs de sensation, un stand de selfie est disposé à côté du présentoir, histoire d’immortaliser le moment.
« Elle sait envoyer quand il faut »
Même chez Porsche, on se met à l’électrique (...)
Comme la 911 Turbo S, « le must de la gamme chez Porsche », nous a expliqué le monsieur. A savoir, c’est une automatique, comme 99 % des modèles que vend Porsche, tous avec cette même boîte de vitesse très particulière, la « PDK », à la fois plus performante et moins gourmande. Mais pas d’inquiétude, « elle sait envoyer quand il faut », nous a glissé le vendeur d’un ton de connivence.
Mais sa vraie fierté, c’est que la voiture « est personnalisable à l’infini, un vrai jouet ». Du coup, il ne savait même pas nous dire le prix, parce qu’il y en a parfois pour des dizaines de milliers d’euros d’options ! Après vérification, le modèle d’exposition coûtait autour de 270.000 euros. Et à la société, un peu plus encore : classée « F », l’avant-dernière note en émissions de CO2… Le luxe n’a pas de prix. (...)
Ce n’est pas un cas isolé. Dans un autre hangar, on a mê me trouvé la note « G » sur une BMW, la M760 Li xDrive, mais ça n’avait pas l’air d’effrayer plus que ça les passants. Pas plus que le prix, d’ailleurs, à hauteur de 220.000 euros. Probablement parce que le bolide avait de la gueule, avec sa peinture chromée et ses jantes alliages, une allure sportive et féline, comme ils disent. En matière automobile, la puissance n’a jamais peur de dévoiler sa part de féminité. Ni d’exhiber son indifférence à l’écologie. (...)
l’immense majorité des spectateurs sont des hommes, parfois en famille avec leurs fils. Ils déambulent sur un carrelage que l’on fait reluire en direct, sur une musique d’entrée de stade, ambiance match de foot. Il faut de l’adrénaline, et les écrans géants sont là, partout, pour vous le rappeler avec leurs images haute-qualité sur lesquelles d’immenses lignes d’asphalte traversent autant de plaines vierges dans des contrées merveilleuses : la voiture, c’est l’aventure. Mais pas trop. La vitesse tout en confort.
« On aurait tort d’enterrer l’automobile »
Certains (toujours des hommes) se prennent même à rêver tout haut : « On aurait tort d’enterrer l’automobile. Elle peut aussi étendre son champ d’intervention, reprendre des parts de marché au rail, comme elle le fait déjà, devenir une batterie d’appoint pour la maison du futur équipée de panneaux solaires ou, si elle se conduit toute seule, être l’endroit où l’on regarde les infos en allant au travail et en en revenant. Bien malin, donc, celui qui peut dire ce qui va se passer », écrivait Xavier Fontanet cette semaine dans le journal Les Échos.
Le slogan en grosses lettres blanches peut bien affirmer que « l’avenir s’annonce passionnant », le Mondial de l’automobile semble être le reflet du passé.