
Le 6 mars, Cyril, un opposant à Notre Dame des Landes, était jugé à Rennes. Il est déjà emprisonné depuis plusieurs mois. Le procès a mis en évidence le rôle des policiers en civil, infiltrés et provocateurs.
(...) L’opération lors de laquelle les faits se sont produits avait pour objectif, selon les gendarmes, de libérer les routes.
Cyril explique son appel par sa volonté d’obtenir la levée de l’interdiction de circuler en Loire-Atlantique. Calme et digne, il reconnaît le port de masque, comme protection contre les lacrymogènes, un coup avec la ’fronde’ sur une personne en civil sans savoir que c’était un gendarme, un jet de bouteille en direction des gendarmes et un coup sur M. G qui le décrit comme ’très agressif’. Les gendarmes l’identifient comme ’un meneur’. Il se serait dit membre de l’ARB, et venu ’casser du gendarme’. Son casier n’est pas vierge...
Tout en semblant admettre que se dissimuler le visage peut effectivement avoir l’objectif de se protéger, l’Avocat Général maintient la caractérisation d’attroupement à main armée et s’attache à justifier qu’il faut retenir l’’élément intentionnel’ : il voulait se faire du flic... les interpellations ne visent pas quelques traînards... elles visent les meneurs, les leaders, que les gendarmes sur place savent identifier sans erreur... On peut imaginer la sidération de Cyril quand il s’est rendu compte que ceux qu’il croyait ses camarades de combat étaient en fait des gendarmes, ce dont il a été tenu compte... (...)
(l’avocat) revient maintenant sur les faits, et raconte une toute autre histoire : il y avait une centaine de personnes autour des barricades (branchages) ; ces dernières n’empêchent pas la circulation, ce sont les policiers qui ont décrété l’impossibilité de circuler. Les moyens de ces derniers sont énormes en nombre. En plus des gendarmes en tenue, identifiables, il y a les infiltrés, une dizaine, déguisés en manifestants (masques, armes - cailloux - en main...) qui se sont chargés, selon des témoignages concordants, d’aller chercher et de rameuter des opposants (à la Vache Rit et d’autres lieux) : « la troupe va charger, il faut aller aider les copains... ». Cyril y va pour protéger ses camarades. Avant l’intervention des infiltrés, il y avait certes des barricades, mais çà se passait bien. Les propos de M. L’Avocat Général semblent indiquer bien peu de connaissance de sa part des conditions d’une manifestation : bruit, lacrymos, sommations inaudibles...
Maître Petit pose le problème de la légitimité d’’infiltrer’ des manifestations, il souligne combien, au moins, cette pratique devrait être encadrée.
Autre problème : un film et des photos ont été confisqués par les gendarmes, ils auraient pu servir de preuve sur les faits. Une photo a été sauvée, que Maître Petit produit, sur laquelle les policiers infiltrés sont parfaitement identifiables dans l’accoutrement qu’ils ont eux-mêmes décrit, sans brassard ou autre identifiant de leur appartenance aux forces de l’ordre. (...)
Concernant le casier de Cyril, Maître Petit évoque avec sobriété des faits qui n’auraient, affirme-t-il, jamais dû faire l’objet de condamnation.
Malgré tout ce qui a été mis en évidence sur ce qu’il faut bien appeler une manipulation, la conclusion tombe comme un couperet : délibéré à 4 semaines (début avril) avec maintien en détention, ce qui condamne de fait Cyril a faire ses cinq mois de prison.