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Note et critique sur l’exploitation audio-visuelle des violences policières
Article mis en ligne le 8 mai 2020

Le confinement généralisé rend une nouvelle fois visible l’inégale distribution quant au non-respect de certaines décisions gouvernementales. La tranquillité avec laquelle la police exécute ces taches ne nous étonne plus. Nous entrons toujours un peu plus dans une phase de feuilleton des violences policières. Les jours passent et les agressions se répètent, inlassablement. Jusqu’à quand cette massification spectaculaire ? Jusqu’à quand la nécessité d’une accumulation d’images qui nous montrent leurs exactions ? Toujours de nouvelles images qui nous font dire « plus jamais ça » pour que les suivantes nous fassent mentir et que l’on répète de nouveau « plus jamais ça ». Anesthésiés.

Derrière les différentes politiques de visibilisation et de mise en lumière se cachent une face sombre dont il faut comprendre les rouages et les enjeux. (...)

À force d’exiger des preuves et des images, nous en oublions presque toutes les violences institutionnelles qui existent en dehors de la diffusion et la visibilisation de ces preuves. Attendre des images, voilà bien le jeu de la société spectaculaire et de la preuve par l’image. Inébranlable croyance. Vous n’avez rien ? Nous ne vous croyons pas. Voilà ce qu’on rétorque aux individus victimes de la police qui alertent sur leurs conditions d’existences depuis des décennies et des décennies. Et même si vous avez des vidéos, nous remettrons toujours vos images et vos paroles en question. Comme si ces vidéos allaient suffire d’elles-mêmes. Vous n’avez pas d’images, dégagez. Vous avez des images, nous les nierons et les retournerons contre vous. Nous voyons bien que diffuser ne suffit pas. (...)

Si la police bénéficie d’un arsenal d’images à l’aide de caméras provenant de ses propres services, nous ne devons pas oublier que la preuve, qui doit jouer un rôle pour la construction de nos savoirs, exerce aussi une forme de savoir/pouvoir pour nos adversaires, et donc de la police. (...)

Ce n’est pas seulement la police en tant qu’institution qui participe à la surveillance de la population mais les manifestants, reporters, journalistes, diffuseurs etc. participent aussi à ce jeu, en visibilisant sur différents médias : photographies, vidéos ou lives. En tant que reporteur/diffuseur d’images nous pouvons aussi être des institutions, des infrastructures de pouvoir et de surveillance. Nous consentons à notre propre surveillance et celle d’autrui dans l’exploitation audio-visuelle actuelle des violences policières. (...)

Aujourd’hui, nous voyons se multiplier l’arrestation et l’emprisonnement d’individus grâce à l’étude de certaines photographies ou vidéos diffusées – en premier lieu – sur différents médias militants et engagés. Il ne s’agit pas d’annuler totalement les photos ou vidéos en manifestation, dans la rue ou ailleurs, mais de se questionner sur leur usage et surtout de penser ce qu’il peut se faire a côté, en plus ou de nécessaire qui puisse éviter un drame, une mutilation voir un meurtre. Tout filmer, tout diffuser sans se poser la question de l’utilisation postérieure est inconscient ou pire, nous rend complice de la police. Si l’on se rend compte de la puissance de l’image, c’est aussi à nos dépends. Cessons de nous nuire. (...)

Une réflexion sur nos rapports aux images et leurs diffusions parait primordiale. La construction qui suit la diffusion de certaines images peut aussi atterrir entre de mauvaises mains qui comprennent bien ce qu’il est possible de réaliser avec.

Il en va de notre protection et de notre survie. De plus, il parait nécessaire de dissocier l’information de la connaissance. (...)

En somme, il s’agit de cesser d’avoir une posture seulement défensive dans ce combat, d’arrêter d’avoir une croyance fétichiste inébranlable dans l’image en tant que processus autonome de transformation. De briser cette distance et d’avoir un rapport au réel assurément offensif. (...)

De l’utilisation des photographies/vidéos d’agressions policières, nous concluons sur la nécessité de se retrouver et s’organiser pour penser collectivement et politiquement à partir de nous pour inventer des savoirs/pratiques qui permettent sur les lieux des violences de se défendre, d’annuler l’attaque adverse et de riposter. N’y a t-il pas un certain épuisement qui s’intensifie à toujours vouloir prouver et montrer à des individus qui n’en ont rien à faire ces violences car ces dernières font partie intrinsèque de leurs manières d’agir. Certes, ces vidéos ont pu être des moyens de massification des combats actuels pour visibiliser les violences racistes, sexistes, classistes… Quand bien même, nous voyons comment ces images deviennent des instruments dans les mains de la police ou de la justice qui grâce à elles prouvent la culpabilité de certains en manifestation ou dans certaines résistances quotidiennes. La visibilisation instantanée laisse aussi le temps aux flics de préparer leur défense et de contre-attaquer, d’harceler virtuellement ou réellement diffuseurs ou victimes…

L’argument « filmez partout, tout ce que vous pouvez » reste tant à repenser que ce qu’on peut faire de plus que des pratiques d’enregistrement audio-visuelles. Tout particulièrement concernant les stratégies d’auto-défense mais aussi d’attaque. Une des pistes réside dans la désarticulation de la relation entre la prise d’images et sa diffusion, dans une réflexion stratégique sur la mise en lumière du contenu que l’on possède suite à une mutilation policière. Ne pas avoir le réflexe de directement poster sur différents réseaux ce que l’on vient à l’instant d’enregistrer. (...)

De l’utilisation des photographies/vidéos d’agressions policières, nous concluons sur la nécessité de se retrouver et s’organiser pour penser collectivement et politiquement à partir de nous pour inventer des savoirs/pratiques qui permettent sur les lieux des violences de se défendre, d’annuler l’attaque adverse et de riposter. N’y a t-il pas un certain épuisement qui s’intensifie à toujours vouloir prouver et montrer à des individus qui n’en ont rien à faire ces violences car ces dernières font partie intrinsèque de leurs manières d’agir. Certes, ces vidéos ont pu être des moyens de massification des combats actuels pour visibiliser les violences racistes, sexistes, classistes… Quand bien même, nous voyons comment ces images deviennent des instruments dans les mains de la police ou de la justice qui grâce à elles prouvent la culpabilité de certains en manifestation ou dans certaines résistances quotidiennes. La visibilisation instantanée laisse aussi le temps aux flics de préparer leur défense et de contre-attaquer, d’harceler virtuellement ou réellement diffuseurs ou victimes…

L’argument « filmez partout, tout ce que vous pouvez » reste tant à repenser que ce qu’on peut faire de plus que des pratiques d’enregistrement audio-visuelles. Tout particulièrement concernant les stratégies d’auto-défense mais aussi d’attaque. Une des pistes réside dans la désarticulation de la relation entre la prise d’images et sa diffusion, dans une réflexion stratégique sur la mise en lumière du contenu que l’on possède suite à une mutilation policière. Ne pas avoir le réflexe de directement poster sur différents réseaux ce que l’on vient à l’instant d’enregistrer. (...)

Avoir un rapport au temps qui sort de la spontanéité de la visiblisation qu’offre réseaux sociaux et médias . Prendre de vitesse et surprendre en créant un stock de données autonome, comme semble le proposer l’application d’Urgence notre police assassine, est peut-être une piste à explorer.

Il s’agit de repenser politiquement ce que ces images créent car il parait évident que tout un tas de pratiques fétichistes, voyeuristes, malsaines et dangereuses accompagnent aussi ces diffusions. (...)

Nos clichés et nos vidéos ne sont pas neutres, il serait temps de s’en rendre compte. Leur création et utilisation certes nous servent mais avantagent surtout le flic, la justice, le patron véreux et tous les individus vigilants de nous conduire. D’autant plus, quand nous entendons les récentes déclarations de Castaner sur l’élargissement des individus pouvant verbaliser à la sortie du confinement mais aussi le désir disséminé dans la population de dénoncer son voisin. (...)

Se diffuser et visibiliser mais pas à n’importe quel prix, un coût qui continue de valoir très cher à certains. Pour que la diffusion des violences policières ne soit plus une consommation esthétique quelconque. Sontag pouvait rajouter que : « les photos peuvent déranger et de fait, elles dérangent, mais la tendance esthétisante de la photo est telle que le support qui véhicule ce trouble finit par le neutraliser ». Elle nous rappelle la nécessite d’une éthique contre la puissance fétichiste et tranquillisante de l’image et contre la croyance d’une accumulation audio-visuelle auto-transformatrice. Sortir de la stricte iconographie policière pour s’inventer, s’organiser et mettre à distance les criminels assermentés.