
Au Venezuela, le secteur des médias alternatifs est très développé : 280 chaînes de télévision et de radio répertoriées par les autorités, plus celles qui ne le sont pas. Ces médias communautaires, soutenus et animés par les habitants des quartiers défavorisés eux-mêmes, tiennent à leur indépendance. Certains la considèrent d’ailleurs menacée par un projet de loi visant à leur donner un statut et à leur apporter une aide financière.
Plongée dans ces médias libres, dans les quartiers populaires de Caracas, loin des oligarchies journalistiques. (... )
CatiaTVe, située dans le quartier éponyme de Caracas, au Venezuela, est un média communautaire. Il ne donne pas seulement la parole à la population : ce sont les habitants des barrios, les favelas vénézuéliennes, qui l’ont créé et le gèrent. « 70 % de nos programmes proviennent des communautés et 30 % sont réalisés par les salariés de la radio », décrit Ligia Elena, coordinatrice des informations. Les 28 employés, tous payés à parts égales au salaire minimum (environ 254 euros), sont eux-mêmes issus de ces quartiers défavorisés. (... )
« Le but des médias privés est de vendre, le nôtre est de permettre au peuple de s’exprimer, explique Ligia Elena. Ils satanisent nos barrios en parlant seulement de l’insécurité. Nous, nous montrons nos luttes. »
Wilfredo Vasquez, un des fondateurs, assure que CatiaTVe participe à une « transformation socioculturelle » : « Nos caméras sont des armes, les reportages, des balles », dit-il sans concession. (... )
Radio Activa ne compte aucun salarié. Chaque habitant de La Vega est libre de venir s’inscrire et de prendre l’antenne quel que soit le sujet. Francisco et ses amis ont seulement restreint les émissions à une heure, car les débordements sur plusieurs heures étaient fréquents.
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Le secteur continue de progresser, protégé par un État bienveillant. Les radios, au nombre de 244, dominent ce paysage médiatique alternatif. (... )
Catia TVe fonctionne grâce à des dons de la communauté, mais aussi par la diffusion de publicités d’entreprises et d’institutions nationales, ou encore la vente de productions publicitaires. « Si certaines demandes de diffusion de publicité ou de collaboration ne correspondent pas à nos idées, nous les refusons », ajoute José Luis. Ligia Elena désigne aussi une dizaine d’ordinateurs payés grâce à une aide gouvernementale.
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Dans un pays où la politique est extrêmement polarisée entre pro et anti-Chávez, difficile d’échapper à un camp ou à l’autre. Les médias communautaires ne dérogent pas à la règle. Ils ont aussi été garants de la démocratie, à l’image de membres de Catia TVe, qui, lors du coup d’État contre Hugo Chávez en avril 2002, sont parvenus à prendre possession de la chaîne publique VTV et à diffuser des programmes, afin de contrecarrer les informations des putschistes.