
Une publicité pour un célèbre bouillon cube, aliment clé dans la cuisine nigériane, a déclenché une controverse sur la place de la femme "multitâche" au Nigeria, pays aux fortes valeurs conservatrices et patriarcales.
Sans imaginer la levée de boucliers qui allait s’ériger, Maggi lance le 30 octobre sa nouvelle publicité à la TV nigériane et sur les réseaux sociaux, dans laquelle le bouillon cube est présenté comme une aide essentielle à la femme urbaine et active, jonglant entre sa vie de mère de famille, d’épouse attirante, de femme d’affaires de poigne et de cuisinière hors pair.
La dernière séquence de la pub s’achève sur un plan montrant une femme souriante qui déclare "aimer tout ce qu’elle fait".
Sur la Toile, repaire de la jeunesse urbaine et éduquée, c’est aussitôt la polémique.
D’un côté, on célèbre cette vision de la femme moderne, active, heureuse de mener de front sa carrière ambitieuse et de cuisiner pour sa famille.
"J’aime le fait que ce soit une mère, qu’elle dirige des hommes - dans son travail -, et soit toujours une conquérante", a défendu un internaute.
D’autres s’élèvent pour dénoncer la "misogynie" de cette campagne, où la femme "souffre et continue à sourire". "La femme travaille à plein temps, fait la cuisine, s’occupe des enfants, pendant que vous...?", s’interroge-t-on sur Twitter ou Instagram.
De son côté, la presse nigériane a titré "Superwoman ou super-esclave ?"
Au sein de Nestlé, patron de Maggi, on ne s’attendait pas à une telle controverse. (...)
Le débat féministe a fait sa réelle apparition au Nigeria avec Chimamanda Ngozi Adichie, talentueuse écrivaine nigériane. Figure du féminisme en Afrique, elle est notamment l’auteur d’un Manifeste pour une éducation féministe (We should all be Feminist).
Ses commentaires, notamment sur le fait que les hommes nigérians ne tiennent pas la porte aux dames par galanterie mais uniquement pour montrer leur supériorité, ont provoqué une levée de boucliers.
En attendant, le chemin vers l’émancipation des femmes risque d’être encore long au Nigeria.
En 2016, en pleine conférence de presse en Allemagne, le président Muhammadu Buhari en personne avait vivement taclé son épouse peu discrète, et un peu trop critique de sa politique, lançant que sa place était "dans la cuisine et dans l’autre pièce (la chambre, ndlr)".
Au Nigeria, même pour la Première Dame, il est difficile d’aller contre la tradition.