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Libération
Naufrage à Sangatte : « Remonter un corps, c’est difficile, on ne peut pas s’habituer »
#migrants #Manche #naufrages
Article mis en ligne le 14 août 2023
dernière modification le 13 août 2023

Le naufrage dans la nuit de vendredi à samedi, au large de Sangatte, a fait six morts. Le bilan pourrait s’alourdir car deux personnes sont toujours portées disparues. Sur place, les associations d’aide aux exilés dénoncent une « politique mortuaire » de l’Etat.

« On veut sauver des vies, pas ramener des morts ». Régis Holy, le patron du Notre-Dame du Brisban, le canot des Sauveteurs en mer de Calais, ne mâche pas ses mots. Lui et son équipage ont sorti de l’eau cinq des six exilés décédés dans le naufrage de cette nuit, au large de Sangatte. Des hommes jeunes, entre 25 et 30 ans, dit-il, de nationalité afghane selon les services du procureur de la République de Boulogne-sur-Mer. Aucun ne portait de gilet de sauvetage, impossible de les discerner dans l’obscurité : c’est grâce à l’appui aérien dispensé par la marine nationale, un hélicoptère et un Falcon, qui voient distinctement les corps d’en haut, que les sauveteurs ont réussi à travailler. Quant à l’embarcation, Régis Holy lâche, moue dégoûtée : « Elle était crevée ». Il insiste sur la difficulté de la mission : « On ne peut pas s’habituer. Remonter un corps, c’est difficile, il est lourd, les vêtements sont mouillés. On les attrape, ils se déchirent. Un, deux… cinq, cela devient de plus en plus dur. Heureusement, on a un bon suivi psychologique. »

« L’influence malveillante des passeurs » (...)

Les recherches se poursuivaient encore samedi après-midi. L’embarcation naufragée était surchargée, comme souvent dans ces passages illégaux vers la Grande-Bretagne, avec 65 à 66 personnes à bord, selon une estimation préfectorale.

Une enquête a été ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer. A l’entrée du port Est, aux entrées et sorties contrôlées à une guérite, deux corbillards passent, sous les yeux des coordinateurs de l’association d’aide aux migrants Utopia 56, qui travaille sur tout le littoral. Elle distribue dans les campements à Calais et à Grande-Synthe, des flyers avec le numéro de leurs deux équipes d’urgence, à appeler en cas de problème sur terre et sur mer. Utopia 56 n’a reçu aucun appel cette nuit. Une troisième équipe maraude sur le littoral, entre la frontière belge et Le Touquet, pour venir en aide à ceux qui ont échoué dans leur traversée, en errance, souvent trempés. « L’Etat mène une politique mortuaire », estime Adèle Stouffs, la coordinatrice d’Utopia 56 à Calais, « avec des répressions de plus en plus importantes qui amènent les exilés à prendre des risques de plus en plus grands. » (...)

Utopia 56 est intervenue ce samedi matin pour 54 personnes à Dunkerque, sauvés eux aussi d’un naufrage au large de Calais, mais venant visiblement d’une autre embarcation. (...)

« Il y avait beaucoup de monde sur l’eau cette nuit, avec une mer assez dure. Les passeurs ont une stratégie de saturation du littoral, ils déclenchent des appareillages simultanés entre Dunkerque et Boulogne, pour occuper les forces de l’ordre. Cette nuit, c’était la pagaille. »