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Nathaniel, 19 ans, a perdu un œil lors des émeutes à Montreuil : "Je ne méritais pas ça, personne ne le mérite"
#Nahel #violencespolicieres #emeutes
Article mis en ligne le 28 juillet 2023
dernière modification le 27 juillet 2023

Son témoignage est inédit. Ce jeune homme de 19 ans qui habite Montreuil, en Seine-Saint-Denis, a été éborgné après avoir reçu un projectile. Il a accepté de se confier avec sa mère à franceinfo.

(...) Sur la table basse : une boîte de Doliprane et un paquet de compresses. Nathaniel dort beaucoup depuis les faits. Il supporte mal la lumière du soleil. (...)

Il y a un mois, le 27 juin, le jeune Nahel, 17 ans, était tué par un policier à Nanterre. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN), était chargée rapidement de l’enquête. La police des polices qui, depuis, en a ouvert bien d’autres dans le contexte d’émeutes qui a suivi. Une trentaine de procédures judiciaires sont en cours à ce jour. Dont celle qui concerne Nathaniel, 19 ans.

Sweat-shirt, cheveux mi-longs, l’œil droit caché sous un pansement, le garçon plutôt réservé se fait violence pour raconter sa nuit du 28 au 29 juin : "J’étais à un anniversaire chez un copain. J’ai décidé de partir. Un ami m’a suivi. Il était fatigué. Je lui ai proposé de le raccompagner à pied. C’était la première nuit de violences urbaines. On avait bien entendu quelques bruits sourds depuis la soirée où on était, mais l’été à Montreuil ce n’est pas très exceptionnel que des jeunes sortent des feux d’artifices. On a descendu la rue sans se méfier. On a vu des jeunes qui auraient pu être des émeutiers et plus loin une voiture de ’police secours’ arrêtée." (...)

Sept fractures au visage

"Je suis plutôt quelqu’un qui se laisse intimider alors j’ai dit à mon copain qu’il fallait mieux qu’on rebrousse chemin. Le temps de se retourner, les policiers avaient jeté des lacrymogènes qui formaient comme un mur blanc. On est repartis dans l’autre sens. On a voulu s’abriter dans un renfoncement à l’entrée d’un bâtiment et là, ça a été très vite", se souvient le garçon qui décrit ensuite "un état de sidération, d’hébétement".

"Je n’ai pas hurlé, j’ai juste dit ’aïe’. J’ai eu un impact et une forte douleur au visage avec du sang partout. Mes amis m’ont dit que mon visage n’était plus droit et que mon œil restait fermé." (...)

Nathaniel est secouru par des pompiers. Sa mère le rejoint. Le garçon a pendant 30 heures ensuite été ballotté d’hôpital en hôpital jusqu’à atterrir à Paris, aux Quinze-Vingts, une référence dans le traitement des problèmes ophtalmiques. Là, un scanner montre sept fractures au visage. Nathaniel a été opéré deux fois déjà. Il sait qu’il devra subir d’autres interventions chirurgicales encore. "Le médecin ne m’a pas caché la vérité. Il m’a dit que je ne retrouverai pas la vue de mon œil. Pendant quelques minutes, j’ai été assommé par cette nouvelle, mais très vite, j’ai choisi d’être dans l’acceptation. Il me reste la vue grâce à mon œil droit. Je vais continuer à vivre. Pas question que je baisse les bras. Il faut que mon cerveau s’habitue. Ça va prendre du temps, mais ça va le faire. Il le faut", répète à la fois résigné et résilient ce jeune homme qui a un casier judiciaire vierge et a appris quand il était à l’hôpital qu’il avait décroché son bac STMG. Quand on lui demande s’il n’a pas de colère, il répond : "Ça viendra peut-être plus tard, mais là ça n’est pas ma priorité."

Une enquête ouverte

L’IGPN, la police des polices, a ouvert une enquête et cherche à déterminer si c’est un tir de lanceur de balle de défense, le canon d’une grenade de désencerclement ou autre chose qui a blessé Nathaniel (...)

"Je n’attends pas forcément grand-chose de ces rendez-vous. L’officier, la première fois, a surtout essayé dans beaucoup de ses questions de trouver le moindre élément qui aurait pu signifier qu’en fait, je participais aux émeutes. Alors qu’avec mon copain, on ne représentait aucun danger." (...)

"J’avais juste mon habituelle petite sacoche avec cigarettes et briquet, poursuit Nathaniel. On circulait là. Il n’y a eu de notre part aucun mot ni geste déplacé. Jamais je n’ai imaginé qu’il pourrait m’arriver ce qui m’est arrivé là. Je ne méritais pas ça. D’ailleurs, personne ne le mérite", commente le jeune garçon. Malgré cela, il ne voulait pas vraiment porter plainte. (...)

Agnès se pose beaucoup de questions. Nathaniel moins. Entre ses nombreux rendez-vous médicaux, il tente de trouver un stage dans l’événementiel musical et songe toujours à passer son Bafa. Pas question de tirer un trait sur ses projets.