
Le 17 mars, Nadia Mostefa s’est suicidée. La capitaine venait de perdre la garde de son fils. En difficulté face à un ex violent, elle a demandé l’aide de sa hiérarchie qui n’a rien fait. Pire, ses supérieurs l’ont sanctionnée et mise sur la touche
Le 16 mars 2022, en fin d’après-midi. Nadia Mostefa gare sa voiture sur un parking rue Favre de Saint-Castor, à l’ouest de Montpellier. La capitaine de gendarmerie de 42 ans a décidé de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu. Des automobilistes qui voient son corps en flammes sortir du petit SUV orange, alertent les pompiers. Hélas, il est trop tard. Nadia Mostefa est gravement blessée. Elle meurt le lendemain, sur un lit d’hôpital du service des grands brûlés du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Lapeyronie.
L’émotion est immense, les hommages nombreux. La presse se penche sur l’histoire et découvre que la capitaine de gendarmerie venait de perdre la garde de son fils de six ans au profit de son ancien conjoint. On tient là la raison de son suicide. Pour tous, l’affaire est entendue. Sauf que l’histoire est en réalité un peu plus compliquée. À ses blessures personnelles s’ajoutent de graves problèmes professionnels que sa hiérarchie préfèrerait glisser sous le tapis.
StreetPress s’est procuré plusieurs documents inédits, des comptes-rendus et des recours écrits de la main de Nadia Mostefa, qui mettent en cause certains de ses supérieurs. La gradée se battait depuis plusieurs années contre le harcèlement de sa hiérarchie et les « excès de pouvoir » de l’institution militaire, mettant en cause notamment le général Thierry C. La quadragénaire d’origine algérienne s’était aussi épanchée auprès de ses proches et de collègues sur le sexisme et le racisme dont elle jugeait être victime. Mise en arrêt maladie forcé depuis plus d’un an, elle dénonçait le refus de prendre en compte les violences conjugales qu’elle subissait.
Plaintes pour viol conjugal et violences (...)
Nadia Mostefa porte plusieurs fois plainte pour violences et viol conjugal et pour violences à l’encontre de l’enfant. Son conjoint obtiendra un non-lieu dans ces affaires. Mais la jeune mère se verra confier la garde de leur bambin et une investigation éducative est mise en place. Entre les deux parents, les relations sont extrêmement tendues au point que des proches doivent amener l’enfant à son père pour qu’ils ne se croisent pas. (...)
Le mal-être du général
Si à cette époque le général Thierry C. a un comportement avec Nadia Mostefa qu’elle qualifie de harcèlement et des relations tendues avec plusieurs de ses subordonnés, c’est peut-être parce qu’il est lui aussi en grande souffrance. Une semaine avant l’altercation, le général aurait tenté de se suicider dans le garage de sa maison, située dans l’enceinte de la caserne. Il aurait été découvert pendu au bout d’une corde par deux gendarmes qui l’ont détaché et ont accepté de ne pas ébruiter l’affaire. Un drame confirmé par plusieurs proches du dossier. Nadia Mostefa était au courant, en témoigne un mail à l’intention de sa hiérarchie, rédigé par la jeune femme (2) que StreetPress s’est procuré. Elle écrit :
« Le harcèlement subi […] m’a contraint à fuir mon bureau et à demander à un médecin de me mettre en arrêt maladie […] Je n’ai jamais eu l’intention de rendre publique la TS [tentative de suicide] du Gdi [général de division] C. et comme vous le savez, j’ai suffisamment d’éléments dans mon dossier de Dijon pour justifier que je n’ai commis aucun manquement humain et/ou professionnel. »
Thierry C., lui-même dans un grand mal-être psychique, aurait eu peur de voir Nadia Mostefa dévoiler son grand secret en claquant la porte. « Cette tentative de suicide explique que l’institution se soit sentie si menacée. Dans ce monde-là, c’est hyper tabou. Un général aussi puissant risque gros si ça s’apprend » (...)