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Mort de Rémi Fraisse : quelles sont les chances que justice soit faite ?
Article mis en ligne le 10 novembre 2014

En France, il est toujours difficile de faire la lumière sur les affaires de violences policières, même quand celles-ci provoquent la mort. Dans plus d’un homicide sur deux, la Justice n’a tout simplement pas été saisie ou les poursuites sont abandonnées sans conclusion claire. La mort d’un militant antinucléaire, à Creys-Malville, en 1977, s’était d’ailleurs conclue par un non-lieu. Les suites qui seront données au décès de Rémi Fraisse, le jeune militant écologiste tué dans le Tarn par l’explosion d’une grenade, feront-elles exception ?

Rémi Fraisse est la 8ème personne tuée par les forces de l’ordre dans le cadre d’une manifestation, depuis la fin de la guerre d’Algérie [1]. Les résultats de l’enquête sur les circonstances de sa mort devraient être connus avant le 15 novembre, si l’on en croit l’engagement pris par François Hollande : « D’ici huit jours », a-t-il déclaré le 6 novembre sur TF1. La question des causes de la mort ne devrait pas révéler de surprises, au vu des nombreux témoignages recueillis depuis que les gendarmes ont récupéré le corps sans vie du jeune homme dans la nuit du 25 au 26 octobre : il a été tué par l’explosion d’une grenade offensive. Une quarantaine de ces grenades auraient été lancées dans la nuit, selon les informations de Mediapart, moitié moins selon le directeur général de la gendarmerie nationale Denis Favier. Ce qui est déjà considérable.

L’enquête devra cependant déterminer si l’usage de ces armes était justifié du point de vue de l’Etat de droit ou non. (...)

Mais ce qui s’est passé depuis la mort du militant écologiste augure mal des suites qui lui seront données. Le gendarme ayant lancé la grenade mortelle n’a pas été provisoirement suspendu le temps que l’enquête suive son cours. Le procureur d’Albi n’a pas cru bon d’ouvrir une information judiciaire. Le 28 octobre, la famille de Rémi Fraisse a donc été obligée, comme tant d’autres avant elles, de porter plainte contre X pour homicide volontaire « par une ou plusieurs personnes dépositaires de l’autorité publique ». Un juge d’instruction devra donc être saisi. (...)

Ceux qui, comme nous, souhaitent que la lumière soit faite sur ce drame ne sont pas au bout de leur peine. L’absence de suites judiciaires ou l’abandon des poursuites caractérisent les affaires d’homicides impliquant les forces de l’ordre. Y compris pour les personnes tuées dans le cadre d’une manifestation. Il suffit de remonter quelques années en arrière. (...)

Seule la mort de Malik Oussékine, tué le 6 décembre 1986, débouchera sur la condamnation des responsables. Alors que des manifestations étudiantes se déroulent dans le Quartier latin à Paris, le jeune homme de 23 ans est interpellé et passé à tabac par des agents du « peloton des voltigeurs », des policiers armés de matraques circulant à moto. Malik meurt d’une crise cardiaque. Suite à la « bavure », ce peloton très spécial sera dissous. Et deux policiers sont condamnés respectivement à 5 ans et 2 ans de prison avec sursis. (...)

Ce 8 novembre, alors que les manifestations en hommage à Rémi Fraisse étaient interdites à Toulouse et à Rennes, entre 3 000 et 5 000 personnes se sont rassemblées à Paris contre les violences policières. Parti de Bastille, le cortège composé de lycéens, des syndicalistes, de militants de mouvements de gauche et de proches de victimes de ce type de violences, s’est arrêté Place Gambetta, à quelques pas de l’endroit où un jeune du quartier est décédé en juin 2007. Lamine Dieng, 25 ans, est mort étouffé dans un fourgon de police après son interpellation. La famille ne sera prévenue que 36 heures plus tard et portera plainte contre X. Sept ans après les faits, en mai 2014, la justice donne enfin sa réponse : non-lieu. Ils sont des dizaines dans ce cas. La mort de Rémi Fraisse et l’engagement du Président de la République marqueront-ils un tournant dans cette culture du silence ?