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Monsanto veut contrôler le business des abeilles
Article mis en ligne le 3 avril 2014

C’est une des stratégies les plus secrètes de la firme Monsanto, promoteur mondial des semences transgéniques : investir les différentes entreprises qui font de la recherche sur les abeilles. Aux Etats-Unis, les apiculteurs s’inquiètent de la politique du géant des OGM.

Après les semences, les pesticides, les engrais... Voilà que Monsanto s’intéresse à la pollinisation. Ou plus précisément, aux abeilles. Un tiers de notre alimentation dépendrait de leur patient travail, un service évalué à 153 milliards d’euros par an par une équipe de chercheurs de l’INRA.

Depuis quelques années, Monsanto s’intéresse à la mauvaise santé des abeilles, et explique vouloir les sauver à coup de recherche génétique. Le principal promoteur des plantes transgéniques débarque dans un contexte très difficile pour les apiculteurs.

Depuis la fin des années 1990 en France, et l’hiver 2006-2007 aux Etats-Unis, les essaims semblent victimes d’un mal mystérieux. Environ 30 % (presque un tiers !) des ruches meurent chaque année, sans explication apparente. Alors qu’une mortalité "normale" selon les apiculteurs, s’établit autour de 10 %.

Les scientifiques n’ont pas réussi à trouver une seule explication à ce "syndrome d’effondrement des colonies", mais un ensemble de causes qui provoqueraient la disparition des colonies d’abeilles (...)

Pour endiguer cette disparition, les recherches vont bon train. Et c’est là que Monsanto entre en scène. En 2011, la multinationale rachète Beeologics, une entreprise spécialisée dans la recherche et la production de solutions pour améliorer la santé des abeilles. "Notre mission est de devenir les gardiens de la santé des abeilles partout dans le monde", indique son site internet.

Dans un communiqué de presse la firme américaine justifie ce rachat : "Monsanto sait que les abeilles sont une composante clé d’une agriculture durable dans le monde."

Beeologics a développé un produit à base d’ARN (une sorte de copie de l’ADN qui permet aux cellules de fabriquer les protéines dont elles ont besoin) pour lutter contre certains virus : "Une copie d’une séquence d’ARN du virus est introduite dans la nourriture des abeilles et leur organisme le perçoit comme un signal pour détruire le virus" explique Jay Evans, chercheur spécialiste de la génétique des abeilles au ministère de l’agriculture des Etats-Unis. Ce traitement, appelé Remebee, "réduit le syndrome d’effondrement des colonies", promet Beeologics.

"La technologie à l’air sûre et c’est un succès, c’est pour cela que Monsanto a racheté Beeologics", poursuit le chercheur, joint au téléphone.

Mais Christoph Then, vétérinaire, spécialiste des biotechnologies et ancien expert pour Greenpeace, ne partage pas cet enthousiasme : "Le procédé utilisé a été découvert il y a seulement quelques années. On ne connaît pas encore tous ses effets, il y a débat dans la communauté scientifique." Surtout, Beeologics a testé les conséquences de son produit sur les abeilles, mais qu’en est-il sur d’autres organismes ? "L’ARN utilisé n’est pas stable et peut passer d’un organisme à l’autre, poursuit cet expert. Donc à ce stade, cette technologie n’est pas assez sûre pour être utilisée dans l’environnement."

Pourtant au ministère de l’Agriculture américain, Jay Evans prédit déjà un bel avenir à ce remède pour les abeilles (...)

pour montrer son implication dans la protection des abeilles, Monsanto est allé jusqu’à organiser en juin de l’année dernière un "sommet sur la santé des abeilles" à son siège de Chesterfield.

Réunissant chercheurs, apiculteurs et industriels, l’initiative a étonné aux Etats-Unis. Au programme des discussions, les multiples causes du syndrome d’effondrement des colonies. A savoir la destruction des habitats et des sources de nourriture des abeilles, le virus varroa... et les pesticides. (...)

Il s’agirait d’une belle opération d’enfumage, pour faire oublier que les pesticides sont les principaux responsables de la disparition des abeilles, estime l’association environnementale Pesticide Action Network. Elle dénonce les "efforts insidieux de Monsanto et des autres fabricants de pesticides pour discréditer les études scientifiques sur les impacts des pesticides sur les abeilles". Selon elle, Monsanto tente de faire croire que les pesticides ne sont qu’un problème mineur et que c’est le varroa destructor, ce parasite des abeilles, qui serait la menace la plus sérieuse...

"Les abeilles dérangent, rappelle Henri Clément, porte-parole de l’UNAF (Union National des Apiculteurs de France), elles posent la question de la qualité de l’environnement. Elles sont des lanceurs d’alerte et ont été les premières touchées par les pesticides." (...)