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Monsanto : pour que justice germe
Article mis en ligne le 3 décembre 2015

Un collectif international de juristes et d’ONG lance ce jeudi un tribunal international pour juger la multinationale accusée « d’écocide ».

En ces temps où le monde se retrouve à la COP 21 pour bichonner le climat, donc l’avenir de l’humanité, rares sont ceux qui pointent du doigt les dégâts causés par l’agriculture industrielle. Pourtant, celle-ci contribue, selon diverses sources de l’ONU, à au moins 30 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine. En cause : l’expansion de l’élevage intensif et des monocultures, synonymes de déforestation, de sols nus ou d’utilisation massive de pesticides et d’engrais d’origine pétrochimique. Ce chiffre grimpe autour de 50 % si l’on inclut l’ensemble de la chaîne agro-industrielle, y compris la transformation et le transport des aliments, selon un rapport de l’ONG Grain. Or, qui symbolise le mieux ce modèle, également accusé de polluer l’eau, les sols ou l’air, d’accélérer l’extinction de la biodiversité et la progression de ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle l’« épidémie de maladies chroniques évitables » (cancers, maladies d’Alzheimer ou de Parkinson…) ou encore de menacer la souveraineté alimentaire des peuples, par le jeu des brevets sur les semences et de la privatisation du vivant ? « Monsanto », répond la fondation Tribunal Monsanto.

Créée à La Haye, aux Pays-Bas, avec le soutien de mouvements citoyens comme Via Campesina, d’ONG ou de personnalités internationales (dont l’écologiste indienne Vandana Shiva, déjà bête noire de la multinationale de Saint-Louis, ou l’Australien Andre Leu, président de la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique), cette fondation entend « juger les crimes imputés à la multinationale américaine dans le domaine environnemental et sanitaire et contribuer à la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit international » (lire l’interview page 14).

Au-delà de Monsanto, il s’agit de monter un « procès exemplaire » pour dénoncer « toutes les multinationales et entreprises qui ne sont mues que par la recherche du profit et qui, de ce fait, menacent la santé des humains et la sûreté de la planète ». Vaste programme. Lancée officiellement ce jeudi (1), l’initiative, que Libération suivra pas à pas toute l’année, « est tout à fait unique et sans précédent », insiste sa marraine, la réalisatrice et écrivaine Marie-Monique Robin, elle aussi peu appréciée du géant américain depuis le Monde selon Monsanto, son enquête très fouillée déclinée en en 2008 en film et en livre. (...)

Juges des cinq continents

Pour évaluer le comportement de Monsanto, ce tribunal prendra appui sur les « Principes directeurs sur les entreprises et les droits de l’homme », approuvés en 2011 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. « Ce texte constitue aujourd’hui la référence la plus largement admise définissant les responsabilités des entreprises au regard, par exemple, du droit à la santé, ou du droit à un environnement sain », explique le Belge Olivier de Schutter, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation et professeur de droit international à l’Université catholique de Louvain. Conseiller juridique de la préparation du tribunal, il a pour mission, avec l’avocate et ex-eurodéputée française Corinne Lepage, d’y associer des juristes de haut rang, magistrats, avocats et juges issus des cinq continents.

Le tribunal, qui a prévu de se réunir à La Haye du 12 au 16 octobre 2016, entend auditionner au maximum une centaine de plaignants venus des Amériques, d’Europe, d’Asie et d’Afrique. (...)

Chaque année, Monsanto provisionne des sommes colossales pour faire face aux procès que pourraient lui intenter les victimes de ses produits. Ce qui ne l’incite pas à changer de pratiques. « Tant qu’il demeurera plus profitable pour les actionnaires de faire courir des risques à la collectivité, quitte à devoir dédommager des victimes de temps à autre quand des procès sont engagés, ces pratiques subsisteront, conclut Olivier de Schutter. Des actions judiciaires entamées au cas par cas ne sont pas un substitut à une intervention beaucoup plus vigoureuse des pouvoirs publics. »

Mais qui financera ce Tribunal Monsanto, dont le coût est évalué à 1 million d’euros ? Vous et moi, espèrent ses initiateurs, qui lancent ce jeudi un appel « à tous les citoyens et citoyennes du monde », pour qu’ils y participent « à travers la plus vaste plate-forme de crowdfunding international jamais réalisée à ce jour ».

(1) www.monsanto-tribunal.org