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Mobilisations du 17 novembre : ce que proposent la gauche et les mouvements sociaux
Article mis en ligne le 16 novembre 2018

Le mouvement des gilets jaunes contre la hausse des carburants prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux. Plus de 700 blocages, opérations escargot et rassemblements sont annoncés le 17 novembre. Si les initiateurs assurent n’être affiliés à aucun parti politique, l’extrême-droite tente de récupérer le mouvement. Face à ce risque d’instrumentalisation, des syndicats et associations environnementales appellent aussi à se mobiliser, en défendant une transition écologique et sociale, avec des mesures de justice fiscale et sociale immédiate ainsi que des propositions sur le long terme. Tour d’horizon des appels et propositions.

Tout est parti d’une pétition réclamant « une baisse des prix du carburant à la pompe ». Créée le 29 mai par Priscilla Ludosky, une automobiliste en colère, la pétition a depuis recueilli plus de 835 000 signatures. Priscilla Ludosky dresse plusieurs pistes comme la mise en place d’un « système permettant aux employés de travailler depuis leur domicile afin de limiter la circulation des travailleurs » ou l’allocation d’aides aux entreprises afin qu’elles s’installent en banlieue et en province, ce qui permettrait de désengorger les grandes villes et limiter les longs déplacements en voitures.

En parallèle à cette pétition, deux chauffeurs routiers trentenaires originaires de Seine-et-Marne, Eric Drouet et Bruno Lefevre, ont lancé un appel à bloquer les routes de France le 17 novembre (voir l’événement facebook) [1]. « Nous ne somme pas anti-écolo », précise Eric Drouet dans une vidéo. « Ce mouvement est un mouvement contre la taxation abusive à tout point. » Ces dernières semaines, de nombreux collectifs et événements se sont créés dans toute la France. Le site www.blocage17novembre.com dresse une carte de l’ensemble des blocages prévus (voir en bas d’article)

Droite et d’extrême-droite tentent de surfer sur le « racket des automobilistes »
Si les initiateurs de l’appel assurent n’être affiliés à aucun parti politique ou syndicat, différentes tentatives de récupération politique ont cours, notamment en provenance de l’extrême droite. Le mouvement a ainsi pris le nom des « gilets jaunes », suite à une vidéo publiée le 24 octobre appelant les automobilistes qui comptent se mobiliser à poser un chasuble jaune derrière le pare-brise de leur véhicule en signe de ralliement. Or, l’auteur de la vidéo, Franck Buhler, est membre de Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan. Ce dernier a récemment déclaré vouloir « bloquer toute la France le 17 novembre ». Quant à Marine Le Pen, elle a fait savoir que « l’ensemble des cadres politiques et des élus [du Rassemblement National] seront effectivement aux côtés des manifestants pour exprimer au gouvernement que la situation devient insoutenable ». Localement, plusieurs représentants de l’ex Front national entendent bien profiter du mouvement pour distribuer des milliers de tracts, comme en Vendée. (...)

A gauche, compréhension et propositions concrètes
À gauche, on affiche une grande prudence vis-à-vis d’une mobilisation qui n’a, pour l’instant, aucun cadre collectif et revendicatif clair : ici le référent est une bonne volonté qui se dit « apolitique », là c’est une page facebook, ailleurs un militant d’extrême-droite... Partis et mouvements de gauche tentent plutôt d’y répondre en proposant des mesures concrètes. ​​« À​ la coalition des rejets et des colères, nous préférons appeler à la construction d’une coalition de projet » explique E​urope Écologie – Les Verts. Le parti écologiste suggère notamment de taxer le kérosène et le fioul lourd pour les porte-containers et les bateaux de croisière, d’attribuer 100% des recettes de la fiscalité ​carbone à la transition énergétique, de mettre en place des chèques énergies sur critères géographiques et sociaux afin d’accompagner les plus fragiles ou de lancer un moratoire sur les nouveaux équipements routiers et l’étalement urbain, sans appeler ​à la journée de blocage du 17 novembre.​

Le groupe Parlementaire de La France insoumise considère que « la hausse des prix du carburant engendre à juste titre l’indignation de ceux à qui elle s’applique ». S’ils saluent l’initiative citoyenne du 17 novembre, ils assurent ne pas la confondre avec la tentative de récupération politique par l’extrême-droite. « Ainsi nous ne lancerons aucun appel distinct qui donne l’impression d’une nouvelle tentative de récupération en sens inverse faisant de l’initiative un enjeu d’influence politique qui n’a pas lieu d’être. » Les parlementaires insoumis, également attachés à une transition écologique, disent vouloir « encourager » le mouvement « contre la vie chère et les revenus insuffisants que nous voyons naître dans cette action ». Des députés comme François Ruffin (Somme) ont déclaré qu’ils y participeront « à titre personnel ». A l’assemblée, la députée Mathilde Panot (Val-de-Marne) a fustigé le « deux poids deux mesures » du gouvernement : une « écologie punitive pour les pauvres et la liberté de détruire et polluer pour les riches ».

Baisse de la TVA sur les transports publics et « ISF écologique »
Le Parti communiste organise, lui, une dizaine d’actions en France – mais ce 15 novembre, deux jours avant les blocages (...)

Le bureau national du Parti socialiste a pour sa part adopté le 6 novembre une longue résolution afin d’expliquer que le parti « soutient les Français qui défendent leur pouvoir d’achat », notamment le 17 novembre, et « demande l’organisation d’une conférence nationale sur le financement de la transition écologique ».

Des initiatives syndicales locales pour participer à la mobilisation
Démosphère, l’agenda alternatif de la région parisienne, propose de lister sur cette page les rendez-vous d’organisations sans lien avec l’extrême droite. On y trouve notamment l’appel du Front Syndical de Classe, qui rassemble des militants de la CGT et de la FSU, qui invite « à prendre une part active dans cette journée nationale d’action du 17 novembre 2018 ». « En réalité, le gouvernement, les multinationales, l’UE se moquent de l’environnement, écrivent-ils. Ce sont en effet les mêmes qui organisent le tout voiture et le tout camion, qui ferment les lignes de chemin de fer (remplacés par… les « cars Macron ») et imposent la privatisation de la SNCF, la dégradation du service (retards, suppressions de trains...) et la casse du fret ferroviaire. »

Sud Industrie appelle également à « préparer un véritable blocage du pays et pas seulement un samedi » (...)

Colère légitime mais revendications floues
Le « Front social » (une coordination composée de syndicats, associations, collectifs ou médias alternatifs) entend également ne pas laisser à l’extrême droite la récupération de la question du pouvoir d’achat. Le collectif propose de prendre appui « sur les résistances importantes qui existent » : en l’occurrence les mobilisations sociales de salariés, de l’usine Ford de Gironde aux bureaux de poste des Hauts-de-Seine, en grève depuis 7 mois, en passant par les femmes de ménage de l’hôtel Park Hyatt Vendôme qui affirment leur volonté de tenir au moins jusqu’à Noël ou les salariés de McDonald’s dans les quartiers Nord de Marseille. La CGT de Bezons (Val d’Oise) appelle même à venir discuter, le 17 novembre, « de la nécessité d’augmenter nos salaires pour compenser la hausse des prix et comment défendre ensemble notre pouvoir d’achat ».

Ces initiatives se mènent cependant sans l’aval des directions des confédérations. Celles-ci demeurent plus que prudentes vis-à-vis d’une mobilisation considérées comme d’extrême-droite (...)

Les confédérations considèrent d’autre part que, si la colère est légitime, les revendications disparates du mouvement sont disparates et floues (lire : 17 novembre : pourquoi les syndicats traînent-ils des pieds, alors que les politiques courent après ?).

Des associations pour « un changement radical de politique sociale et écologique »
Comment réagissent les organisations écologistes, coincées entre l’impératif immédiat de justice sociale et la volonté à terme d’en finir avec le recours aux énergies fossiles, donc l’essence et le très polluant diesel ? Le Réseau Action Climat, qui regroupe plusieurs grandes associations, dénonce une politique des transports du gouvernement qui « n’est ni cohérente avec l’urgence climatique ni juste socialement ». (...)

L’association altermondialiste Attac rappelle de son côté que « le poids des dépenses énergétiques représente 14,9 % du revenu des ménages les plus pauvres, et seulement 5,9% pour les plus riches qui sont pourtant les plus gros pollueurs » [2]. La taxe sur les carburants « va surtout servir à boucher les trous du budget (...)

« Bloquer non pas les routes mais… les projets actuels de fermetures de lignes »
Attac France se dit ainsi « disponible, avec les associations et syndicats qui partagent ces convictions, pour prendre toutes les initiatives qui permettront d’avancer vers la satisfaction de ces revendications et un changement radical de politique sociale et écologique ». Certains mouvements, comme Alternatiba Saint-Etienne, ont décidé de se rassembler le 17 novembre pour marquer une « volonté de développement des transports publics en commun publics sans carbone ». L’événement du collectif est à retrouver sur Facebook.

Dans sa chronique pour le magazine Alternatives économiques, l’économiste Jean Gadrey propose même de « bloquer immédiatement non pas les routes mais… les projets actuels de fermetures de lignes, de gares ou de guichets de la SNCF, fermetures dont la mise en œuvre mettrait encore plus de monde sur les routes ». Et de renforcer les dispositifs de remboursement des frais pour les transports domicile-travail, en envisageant de les étendre aux frais de carburant en l’absence d’infrastructures de transports public.