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En attendant Nadeau
Militer + archiver = lutter
Plein le dos. 365 gilets jaunes, novembre 2018-octobre 2019. Éditions du bout de la ville, 372 p., 20 €
Article mis en ligne le 18 septembre 2020

À partir de novembre 2018, des femmes et des hommes se sont mis à occuper les ronds-points de France pour protester contre un ensemble de mesures gouvernementales (notamment une nouvelle taxe sur le gazole mais aussi la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires). Rien d’étonnant à cela quand on connaît l’importance de l’associatif dans la société française. Très vite, des photos ont été prises, des textes et des tracts rassemblés ; les réseaux sociaux ont été le lieu de dépôt temporaire des traces, extraordinairement diverses, de ce « soulèvement » hétérogène ; certain.e.s sociologues et politistes se sont mis aussi à collecter, à accumuler pour « faire savoir ». En réalité, très vite, il est apparu que les archives du mouvement étaient les gilets eux-mêmes. Le collectif « Plein le dos » a vu le jour, créant un site internet avec pour sous-titre « Pour une mémoire populaire. La rue contre le mépris » puis une revue de format A4 pour archiver des milliers de photos de gilets jaunes. Non pas les visages, mais ces objets si singuliers que sont ces vêtements de sécurité personnalisés à coup de marqueurs noirs.

Dans une histoire longue des écrits exposés chers à Armando Petrucci, la publication d’un volume donnant à voir ces archives est particulièrement intéressante. Disons-le : malheureusement, l’ouvrage est graphiquement moins réussi que le site (pleinledos.org), qui était sobre, organisé par « actes » (les samedis de manifestation) ; il n’a pas non plus la justesse de la revue qui est tout à la fois archivage et affichage. Le livre et son « appareil critique » sont lourds mais ce « livre d’or » a le mérite d’exister.

« Plein le dos » donne aussi à penser. (...)

En manifestation, on ne voit jamais la banderole qui vous précède, avec le gilet vous savez avec qui vous êtes. « On est là », chantent les manifestants. Certaines inscriptions sont des prises de parole, d’autres un slogan commun, mais tout est sous nos yeux, sur le dos du voisin, de la copine ou de la grand-mère : « Fin du mois, début du nous », « Sous le gilet, la rage ! », « Macron, mange tes morts »… le gilet est à la fois identité, invitation à la discussion et slogan. (...)

L’ouvrage révèle aussi une autre dimension qui a pu nous échapper. Les gilets font récit, ils racontent de semaine en semaine une lutte : on voit apparaître sur les supports fluo des réponses à des déclarations du président de la République, mais aussi des réactions aux violences policières, au projet de référendum d’initiative populaire, ou plus tard encore à certains médias (« BFM collabos »). On parcourt ainsi le livre comme on marcherait dans un immense cortège qui ne se limite pas au cortège parisien des Champs-Élysées, on va de ronds-points en places de sous-préfecture. On le remonte, on découvre de longues revendications écrites avec le même soin que si le tissu synthétique était un cahier de doléances. La puissance du livre vient de là : du fait que les écrits ne sont pas séparés du corps, ils sont comme les tatouages des bagnards, comme les inscriptions-stigmates et revendications des « enfants du malheur ». (...)

Le site Plein le dos est ici