
« La crise dont nous sommes tous témoins est un test de notre humanité et de notre responsabilité »,
affirmait Donald Tusk, le président du Conseil européen face à ce que l’on considère comme la plus grave « crise migratoire » depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour y répondre, l’Europe responsable a choisi la… sous-traitance, confiée à la Turquie, tandis que les corps des réfugiés s’échouent toujours par centaines sur les côtes des îles grecques. Reportage.
Mahmoud raconte avec ironie qu’il vient de perdre son passeport mais qu’il l’aurait de toute façon jeté à la mer avant de rejoindre la Grèce. Il est presque impossible pour un Iranien de déposer une demande d’asile aujourd’hui en Europe, c’est pourquoi il essaiera de se faire passer pour un Afghan. À la frontière entre la Macédoine et la Grèce, seuls les Irakiens, Syriens et Afghans sont considérés comme de « vrais » réfugiés et peuvent passer la frontière.
La police turque veut montrer qu’elle remplit les obligations de l’accord passé le 29 novembre 2015 avec l’Union européenne. Ce dernier inclut le versement de 3,2 milliards d’euros à la Turquie pour améliorer les conditions de vie des réfugiés sur son sol et fermer ses frontières. En échange, il sera plus facile pour les Turcs d’obtenir des visas Schengen, et le processus d’entrée dans l’Union européenne est relancé, même si personne n’est dupe de cette carotte.
Dès qu’une zone de départ côtière fait l’objet de l’attention des médias, elle est évacuée de ses réfugiés le jour d’après. La Turquie ramasse les réfugiés sur la côte tout en sachant que la répression est un jeu sans fin. En effet, il arrive souvent qu’une opération de police aboutisse à la libération avec une obligation de quitter le territoire sous 30 jours. C’est que les centres de détention ne désemplissent pas. Il n’est pas possible d’y enfermer et de refouler tous les « candidats au départ ». (...)
Les étrangers restent six mois (renouvelables) dans les centres de détention en attendant d’être déportés vers leur pays d’origine ou libérés. Obtenir un laissez-passer de la part du pays de provenance et l’examen des demandes de protection, même en procédure accélérée, prend des mois. Durant ce temps, quand ils ne sont pas forcés de signer un programme de retour volontaire, les étrangers se serrent à soixante par cellule dans des conditions parfois pires que l’incarcération, et ne laissent ainsi pas la place à de nouveaux venus.
Un transit permanent (...)
Malgré le droit à l’éducation pour les enfants, 70 % des enfants syriens enregistrés dans le pays ne sont pas scolarisés. Tout comme l’accès à la santé garanti par la loi, très peu de mesures concrètes ont été mises en œuvre et les non-Turcs se retrouvent face à la barrière de la langue et à la complexité de l’administration. La société civile turque parle de génération perdue pour ces enfants qui, souvent, travaillent au noir au lieu d’aller à l’école. (...)