
Un incendie a fait 3 morts et plusieurs blessés dans cette cité des quartiers nord de Marseille. Un réseau d’associations pointent les responsabilités du bailleur social et des pouvoirs publics.
Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2021, au bâtiment 2 des Flamants, dans le 14 e arrondissement de Marseille, trois personnes sont mortes et six grièvement blessées alors qu’elles tentaient d’échapper aux flammes, et plusieurs dizaines d’autres ont été évacuées de leurs logements en urgence. En tant que collectifs et associations impliqués dans les luttes pour un habitat digne et inconditionnel, nous exprimons notre solidarité aux victimes, et notre colère à l’égard des institutions responsables de ce drame.
Ce drame ne peut que nous rappeler celui survenu le 5 novembre 2018, lors duquel huit personnes ont trouvé la mort dans l’effondrement d’un immeuble en centre-ville rue d’Aubagne. Presque trois ans plus tard, le drame survenu au bâtiment 2 des Flamants nous laisse un goût similaire : les institutions n’ont eu de cesse d’être alertées sur la situation, la laissant se dégrader jusqu’à ce que le pire arrive.
En juin 2019, un responsable de l’agence locale de 13 Habitat interpelle la direction générale et la présidence du bailleur sur les « risques » liés à la sécurité dans le bâtiment, et sur sa responsabilité pénale en cas d’accident. Le 16 décembre 2019, les locataires des bâtiments alertent par une lettre ouverte Lionel Royer-Perreaut, président du bailleur social 13 Habitat propriétaire de ce bâtiment. Ils et elles y signalent l’indécence de leurs logements, et alertent explicitement sur les risques d’incendie : « En cas d’incendie, les issues de secours sont inaccessibles. »
Face au mépris du bailleur, ces mêmes locataires adressent un courrier au préfet le 11 mars 2020, avec en objet « urgence des relogements aux bâtiments A1, A2, A3 et A4 des Flamants », rappelant « l’illégalité dans laquelle est 13 Habitat au regard de [leurs] conditions de vie ». À l’automne et à l’hiver 2020–2021, plusieurs départs d’incendies ont lieu. Le 30 avril 2021, un locataire cité dans un article publié par Marsactu explique : « Moi j’ai peur qu’il y ait un court-circuit et un incendie. Et alors on fera quoi ? » (1). Malgré ces multiples signalements, aucune institution mise au courant de la situation n’a réagi. Le bailleur social 13 Habitat, présidé par Lionel Royer-Perreaut et placé sous la tutelle du Conseil Départemental présidé par Martine Vassal, est le premier responsable de ce drame. (...)
Des travaux de réhabilitation ont été engagés dès 2005, puis brutalement stoppés en 2009 suite à la découverte d’amiante dans les parois du bâtiment. Après avoir vécu huit ans d’incertitude quant à leur avenir et voyant leur bâtiment se détériorer progressivement, les locataires apprennent en 2017 que leur bâtiment est à nouveau promis à la démolition, et qu’ils et elles ont droit à un relogement rapide.
La politique de relogement discriminatoire de 13 Habitat, menée bien en-deçà de ses obligations légales, place cependant les locataires en attente de relogement pendant plusieurs années : 13 Habitat refuse de leur accorder l’accès à certaines de ses résidences neuves situées dans les segments les plus valorisés de son parc, et notamment à une résidence pourtant financée par l’Etat dans le cadre du projet de rénovation des Flamants, où 31 logements neufs sont disponibles (2). Aucun ménage du bâtiment 2 des Flamants n’y aura droit.
Dans leur courrier du 16 décembre 2019, les locataires rappellent par ailleurs que 13 Habitat a pris la décision d’annuler les relogements prévus de plus d’une vingtaine d’entre elles et eux, dans deux de ses nouvelles résidences, contrairement aux engagements que le bailleur avait pris jusque-là et alors que ces locataires faisaient déjà leurs cartons pour préparer leurs déménagements. Des logements sont proposés au compte-goutte aux locataires, certaines et certains s’en satisfont ; d’autres craquent à l’usure, acceptant par dépit des propositions qui ne correspondent pas à leurs vœux ; d’autres enfin tiennent bon, refusent d’abandonner leurs droits à un relogement digne et rappellent le bailleur à ses obligations légales. Ce sont celles et ceux qui occupaient encore le bâtiment en cette nuit du 16 au 17 juillet 2021.
D’après le porte-parole du bailleur, c’est leur présence qui explique l’absence de fermeture du bâtiment (...)
Nous tenons à rappeler que le « retard » de ces relogements n’est en rien imputable aux locataires, mais qu’il est la conséquence directe de décisions politiques, et qu’il a des responsables : 13 Habitat et sa collectivité de tutelle le Conseil Départemental, qui ont restreint drastiquement l’offre de relogement pour les locataires et n’a pas respecté ses obligations légales en termes de relogement, mais aussi la Métropole, l’ANRU, la DDTM, la Préfecture et l’ensemble des partenaires du projet de rénovation urbaine sur les Flamants, qui n’ont pris aucune décision pour débloquer la situation et ont laissé pourrir le bâtiment malgré les multiples alertes lancées par les locataires. (...)
Nous tenons également à rappeler la responsabilité de la Préfecture dans ce drame, au regard des conditions de logement insalubres et dangereuses des personnes qui vivaient en squat dans le bâtiment. Cette situation est causée :
– Par les pratiques illégales d’un Etat qui refuse de respecter ses obligations en termes de droit au logement opposable, d’hébergement des demandeurs et demandeuses d’asile, des personnes mineures, et d’hébergement d’urgence ;
– Par les pratiques administratives d’un Etat qui prive un ensemble de personnes de papiers et qui alimente par-là les réseaux de marchands de sommeil ;
– Par les pratiques d’une Préfecture qui bâcle les enquêtes sociales lors des expulsions de logements squattés, ne reloge quasiment jamais les occupant.es et les pousse inlassablement à alterner entre des passages à la rue où elles subissent la répression policière, et des passages précaires dans des squats toujours plus dégradés où elles s’exposent à un ensemble de risques sanitaires, d’effondrements, et d’incendies.
Les habitantes et les habitants du bâtiment 2 des Flamants, locataires comme personnes en situation de squat, ont été victimes de la politique discriminatoire du bailleur 13 Habitat, de sa collectivité de tutelle le Conseil Départemental, de l’Etat et de son représentant local, la Préfecture des Bouches-du-Rhône. Ils et elles ont été victimes du mépris d’un ensemble d’institutions (...)
« Ces morts, on aurait pu les éviter », déclare un habitant. Nous serons à leurs cotés, solidaires, combattifs et combatives. Nous exigeons pour chacune, chacun une mise à l’abri, suivie de propositions de logements dignes pour toutes et tous.