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Mediapart
Maria : « Les policiers m’ont enlevé ma vie »
Article mis en ligne le 11 novembre 2019
dernière modification le 10 novembre 2019

Rouée de coups de pied par des policiers, Maria, 19 ans, a eu le crâne fracturé et le cerveau atteint. Dix mois plus tard, à Marseille, elle reste sous surveillance médicale. Dans un entretien à Mediapart, elle revient sur les conséquences physiques et psychiques de ces violences et sur les suites judiciaires.

Samedi 12 octobre, n’étant pas d’astreinte, Maria, 19 ans, nous attend au foyer pour jeunes travailleurs où elle vit avec son ami, dans le centre-ville de Marseille. La jeune fille prépare son baccalauréat commerce et travaille en alternance dans un magasin. Comme nous le révélions (à lire ici), le 8 décembre 2018, alors qu’elle regagnait son domicile à l’issue de sa journée de travail, la jeune femme a eu le crâne fracturé et le cerveau atteint par les coups des policiers, en marge de la manifestation des « gilets jaunes ». (...)

lire aussi :
A Marseille, des policiers fracassent le crâne d’une jeune femme à terre (non manifestante)

À l’hôpital, elle a été opérée en urgence pour « un traumatisme cranio-facial droit par coup de matraque et embarrure frontale droite en regard avec contusion cérébrale ».Autrement dit, Maria a le crâne fracturé et son cerveau a été touché. C’est seulement en avril, cinq mois plus tard, qu’elle a été en capacité de reprendre son poste de vendeuse, qu’elle occupe en alternance avec ses études. Toujours sous contrôle médical, elle est également suivie par un psychiatre, au regard de son « état de stress aigu » associé à des « cauchemars fréquents », selon le constat médical.

Son avocat, Brice Grazzini, a déposé plainte mardi 30 avril auprès du parquet de Marseille contre « personnes non-dénommées, cependant identifiées comme exerçant la fonction de policier » pour « tentative d’homicide », « violences volontaires aggravées », « non-assistance à personne en danger » et « non-obstacle à la commission d’une infraction ». (...)

Six personnes présentes ont apporté leurs témoignages dans le cadre de la plainte. Parmi elles, Olivia précise que « les manifestations de l’après-midi venaient de se terminer et des groupes de CRS et de policiers continuaient à occuper les rues principales en bloquant l’accès ou le passage. Il y avait quelques personnes, de différents âges, marchant tout au long de la rue Saint-Ferréol. Personne n’avait d’attitudes menaçantes. Tout le monde était dans le calme ».

Sur les images que Mediapart a pu visionner, la rue semble relativement tranquille. Des policiers sont présents, quelques jeunes aussi et des pompiers éteignent des feux de poubelles.

« Quand tout à coup un groupe d’hommes, habillés en noir et armés de matraques, se précipitent en courant et en criant dans ma direction », indique Olivia dans son attestation en précisant : « Je les identifie immédiatement comme des membres des forces de l’ordre. J’ai le réflexe rapide de me dégager en me rabattant contre le mur d’immeuble à côté pour éviter d’être percutée dans la course. »

Faits confirméspar Camille, présente, elle aussi, lors de la charge soudaine et inexpliquée des policiers. Elle témoigne : « Alors que nous étions quelques personnes à marcher calmement dans la rue Saint-Ferréol, sans heurts autour de nous, une ligne de CRS et d’agents de la BAC ont tiré des projectiles (je ne sais pas de quelle nature) et ont commencé à se rapprocher de nous rapidement. Nous sommes plusieurs à avoir couru vers la première rue perpendiculaire (rue de la Glace) pour nous mettre à l’abri. J’ai entendu un cri de douleur et j’ai vu tomber quelqu’un, une jeune fille. »

La « jeune fille », c’est Maria. « Lorsque les policiers ont chargé, je n’ai rien compris à la situation. Je n’ai jamais manifesté et j’ai eu très peur. J’ai couru vers la première rue perpendiculaire, la rue de la Glace, mais j’ai reçu un tir dans la jambe. J’ai crié parce que j’avais très mal à la jambe. Je suis tombée par terre. »

La suite est glaçante. Plusieurs récits relatent une scène « chargée en violence ».

En voyant Maria blessée par le tir de flashball, « des personnes ont commencé à crier “personne à terre !” »,rapporte Laurence. « Au même moment, cette personne au sol s’est fait encercler par des policiers et matraquer avec violence alors qu’elle était à terre. […] À ce moment-là, j’étais sous le choc. La scène était chargée en violence. Je m’aperçois que des matraques frappent violemment la personne en continu durant un bon moment. »

Camille voit « plus de dix agents de police en jean, casqués, matraque à la main et brassard à l’épaule arriver en courant et mettre chacun à leur tour des coups de matraque et de pied à la personne clouée au sol ». (...)

« Malgré le fait que les policiers m’interdisaient de la rejoindre, j’ai insisté et réussi à passer,déclare Lucie. Arrivée vers elle, j’ai retrouvé d’autres personnes venues à son secours et j’ai constaté qu’elle avait le crâne enfoncé et ensanglanté. Il y avait des traces de sang au sol, jusque sur les murs. […] La police en civil est partie sans même vérifier son état. »

Un autre témoin fait le même constat : « Au moment où nous nous approchons, tous les policiers autour de la personne au sol se dispersent. Nous constatons son état très inquiétant puisqu’elle a une plaie ouverte à la tête. » (...)