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Rue 89/ Nouvel Observateur
Manif monstre à Tel Aviv : pourquoi 30 000 Noirs sont sortis dans la rue
Article mis en ligne le 15 octobre 2014

C’est la plus grosse mobilisation de ce type qui ait jamais eu lieu en Israël. Ce dimanche, 30 000 demandeurs d’asile (selon la police) sont sortis dans la rue à Tel Aviv pour protester contre le traitement qu’on leur réserve en Israël.

Et quelques jours, plus tard, la mobilisation ne faiblit pas. Ce mercredi des milliers de migrants (8000 au moins) se sont rassemblés devant la Knesset, le Parlement israélien

Le chiffre est impressionnant quand l’on sait qu’ils seraient en tout 60 000 Africains clandestins, selon les autorités israéliennes.

« C’est énorme », réagit Oscar Olivier, joint au téléphone, en parlant de la manifestation à laquelle il a participé. Congolais, il vit en Israël depuis dix-huit ans et milite à l’ARDC (African Refugee Development Center).

« Jusque-là, les gens n’osaient pas protester. Ils risquent d’être emprisonnés sans jugement. Ils ont fini par sortir dans la rue. La souffrance a vaincu la peur. La place de ces gens n’est pas en prison. Il faut les écouter. »

Grève de trois jours

Parallèlement à la manifestation, une grève de trois jours a été déclarée, à partir de ce dimanche :

« Nous demandons la libération des demandeurs d’asile enfermés sans raison. Et nous demandons à ce que les demandeurs d’asile soient écoutés. »

En septembre, la Cour suprême israélienne avait d’ailleurs jugé à l’unanimité inconstitutionnelle la loi qui permettait d’incarcérer sans jugement pendant trois ans des migrants illégaux. Au motif qu’elle allait contre une autre loi affirmant « la dignité humaine et la liberté ».

Depuis, le gouvernement a annoncé que certains migrants seraient placés dans des centres fermés, et d’autres dans des centres « ouverts ». Ils seront contraints d’y passer la nuit et de pointer régulièrement dans la journée, pour prouver qu’ils ne sont pas employés illégalement.

Une décision jugée absurde par l’opposition. A l’occasion de ce débat, une députée du parti de gauche Meretz a ainsi demandé :

« Auriez-vous placé Nelson Mandela dans un centre de détention ouvert ou fermé ? »
(...)

La façon de nommer ces migrants en dit long sur la façon dont ils sont considérés. On les appelle « les infiltrés », mais aussi les « Soudanais », comme le raconte Oscar Olivier :

« Ici, dès que quelqu’un est noir, il est soudanais. On parle donc même des Soudanais du Niger, des Soudanais du Congo ou des Soudanais du Ghana. »

Quand nous abordons ce sujet ensemble, David Sheen, le journaliste américain, pèse ses mots et parle plus lentement :

« Le niveau de racisme actuel en Israël, il peut être comparé à ce qu’on a connu dans d’autres pays occidentaux, il y a cinquante, soixante ans. Les gens se font insulter dans la rue. Souvent, quand les Noirs entrent dans les bus, les gens se bouchent le nez, bloquent les places à côté d’eux, ouvrent les fenêtres, pestent : “Ah ! Mais on n’a pas besoin de tous ces Noirs !”

Dans les autres pays, les gens sont gênés par leurs pensées racistes. Ils ne les disent pas en public. Là, non. C’est un racisme assuré, et dont les gens sont fiers. »