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Lyon-Turin : comment Hollande s’apprête à dépenser 11 milliards pour que les businessmen prennent le train
Article mis en ligne le 24 janvier 2013
dernière modification le 21 janvier 2013

Relier Lyon et Turin en deux heures, une belle idée… au coût pharaonique de 26 milliards d’euros ! C’est pourtant bien ce que comptent dépenser les gouvernements français et italien pour creuser une ligne à grande vitesse sous les Alpes. Prévisions de trafic marchandises à la baisse, conflits d’intérêts, perte de foncier agricole, absence de débats publics, pollutions de la vallée de l’Isère et de la Maurienne... Les opposants dénoncent un « grand projet d’inutilité publique ». (...)

C’est un projet d’infrastructure gigantesque, déjà vieux de vingt ans. La réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin prévoit notamment de creuser sous les Alpes le plus long tunnel d’Europe (57 km). Initié au début des années 90 par François Mitterrand, le projet a été remis au goût du jour ces derniers mois par François Hollande. Le 3 décembre, aux côtés du président du conseil italien Mario Monti, il a réaffirmé l’intérêt du projet transalpin avec la signature d’une « déclaration commune relative au tunnel Lyon-Turin ». François Hollande vient ainsi d’engager l’État français à financer 42 % du projet. Soit 11 milliards d’euros ! Objectif de cette dépense : relier Lyon et Turin en 2h, Paris et Milan en 4h30.


Côté italien, le projet suscite une vaste opposition de la part des « No Tav »
(pour Treno a alta velocità, train à haute vitesse). (...)

« Notre-Dame-des-Landes et No Tav sont deux luttes sœurs. On retrouve le même activisme des gouvernements à empêcher toute expression par la force militaire », estime Paolo Prieri, l’un des coordinateurs italiens de la lutte. En France, la contestation monte. Mais la militarisation de la répression va bon train. (...)

Le chantier de la ligne Lyon-Turin pourrait-il prendre la tournure d’une « zone militaire d’intérêt stratégique » des deux côtés de la frontière ? Une filiale commune de Réseau Ferré de France (RFF), qui gère le réseau ferré national, et de son homologue italien Rete Ferroviaria Italiana, la société LTF (Lyon Turin Ferroviaire) est « en charge des études et des travaux de reconnaissance » pour la section transfrontalière de la ligne de chemin de fer. Ses prérogatives semblent aller plus loin. En septembre 2012, cette société a émis un appel d’offre d’une valeur d’1,8 million d’euros pour « le support logistique aux forces de l’ordre présentes dans la zone de chantier ». (...)

Via ce marché, RFF va donc contribuer à la rémunération de forces de l’ordre privées pour sécuriser le chantier côté italien. « C’est très grave, souligne Paolo Prieri, d’autant que cela se fait dans l’opacité la plus totale. Mais les pressions n’auront pas de prise sur nous, nous sommes résolus. » (...)

pourquoi la commission d’enquête n’a-t-elle émis aucune réserve ? Plusieurs conflits d’intérêts entachent le dossier. Dans son rapport, la commission d’enquête incite fortement RFF, le maître d’ouvrage, à passer un marché avec une entreprise de travaux publics dirigée... par le frère d’un des commissaires enquêteurs ! Le Canard enchaîné, qui a révélé l’affaire le 3 octobre dernier, indique que le coût de cette opération pourrait générer « un chiffre d’affaires de 20 à 50 millions d’euros ». (...)

Les opposants pointent d’autres conflits d’intérêts chez les membres de la commission d’enquête [2]. Son président, Pierre-Yves Fafournoux, a également participé au travail sur le contournement ferroviaire autour de Lyon (CFAL), dont la rentabilité dépend de la réalisation de la LGV Lyon-Turin
(...)

« Le foncier est l’outil de travail des paysans, souligne dans un communiqué la Confédération Paysanne de Savoie et de Haute-Savoie, fermement opposée au projet. Il en va dans le cas du projet Lyon-Turin de la dévastation de 1 500 hectares sur l’ensemble d’un tracé qui éliminera les paysans, détruira l’activité économique et la vitalité d’un territoire ».

Ce front agricole s’est élargi fin novembre aux Jeunes agriculteurs et à la FDSEA de Savoie qui « confirment leur position de rejet du projet Lyon-Turin et mettent en cause le bien fondé de ce projet inutile ». Des organisations environnementales rejoignent l’opposition, comme France Nature Environnement, pourtant inflexible défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Dans une lettre, ils demandent au ministère de l’Écologie l’ouverture d’un débat public sur les transports alpins.
(...)

Un projet « très ambitieux », « un pilotage insuffisant », des coûts prévisionnels « en forte augmentation », des prévisions de trafic « revues à la baisse », une « faible rentabilité socioéconomique », un financement « non défini » : autant de réserves émises par la Cour des comptes et appuyées par le travail de fond mené par les membres de No Tav. Si le projet n’a fait jusqu’ici l’objet d’aucun débat public, François Hollande devra néanmoins passer par le Parlement pour ratifier l’accord signé entre Mario Monti et Nicolas Sarkozy en janvier 2012. Pour l’italien Paolo Prieri, « le problème qui est posé n’est pas seulement celui d’une ligne à grande vitesse mais d’un grand projet d’inutilité publique ».