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Basta !
Lobbying : l’épidémie cachée
Article mis en ligne le 4 juin 2020

S’abritant derrière la crise sanitaire, les industriels ont multiplié les attaques contre les régulations sociales et environnementales et joué de leur proximité avec les décideurs et de l’urgence pour capter des aides publiques sans véritable contrepartie. L’Observatoire des multinationales, partenaire de Basta !, et les Amis de la Terre, font le point dans un rapport.

Derrière l’épidémie du coronavirus, il y en a aussi une autre, moins visible : une épidémie de lobbying. Alors que les drames humains et le confinement attiraient toute l’attention, les industriels et les porte-voix du secteur privé n’ont pas perdu de temps pour « ne pas laisser se gâcher une bonne crise ». Tirant profit de l’urgence et d’une situation exceptionnelle, ils ont poussé leurs intérêts auprès des décideurs, parfois avec une bonne dose de cynisme, sur des sujets qui n’avaient rien à voir avec le contexte sanitaire et social.

Un rapport publié ce 3 juin par l’Observatoire des multinationales, partenaire de Basta !, et les Amis de la terre, fait la lumière sur ces pratiques. Ce lobbying a deux aspects. Le premier, négatif, vise à obtenir le report, la suspension, l’allègement ou la suppression de régulations sociales et environnementales. Dans la plupart des cas, les lobbys n’ont fait que recycler de vieilles demandes en les liant fallacieusement à la pandémie. Ils ont par exemple cherché à revenir sur des mesures récentes comme la mise en place de normes climatiques plus strictes pour les automobiles, l’interdiction des sacs plastique, ou encore la séparation entre les activités de conseil aux agriculteurs et de vente de pesticides.

Le deuxième aspect, moins visible mais peut-être encore plus dangereux à terme, consiste à capter à leur profit les aides publiques directes et indirectes mobilisées par les gouvernements dans le cadre de leurs plans de sauvetage et de relance, et d’imposer leur agenda technologique et industriel afin de sortir gagnant dans le « monde d’après ». De l’industrie pharmaceutique à l’agrobusiness, en passant par la voiture électrique et le numérique, de nombreuses entreprises ont adapté leur stratégie et leur communication pour se tailler la part du lion dans les dépenses publiques massives en train d’être engagées, sans véritable contrepartie économique, sociale ou environnementale. (...)

Cette situation met en lumière les limites dramatiques des dispositifs actuels de transparence du lobbying en France, mis en place dans le cadre de la loi Sapin 2. Contrairement à ce qu’il en est au niveau européen, il n’y a aucune transparence sur les rendez-vous et contacts entre décideurs et représentants d’intérêts. Contrairement à ce qu’il en est aux États-Unis, les déclarations de dépenses et d’activités d’influence ne sont requises qu’un an après. Enfin, ces dispositifs ne fournissent que des informations rudimentaires, ciblant les formes les plus formelles de lobbying, alors que dans le contexte actuel celles-ci sont devenues encore moins importantes par rapport à l’influence informelle, celle qui s’exerce à travers les relations personnelles des élites, les conflits d’intérêt, les pantouflages et les portes tournantes. (...)

Pour ne pas se laisser dérober le « monde d’après » avant même qu’il ait vu le jour, un dispositif d’urgence de transparence du lobbying – et plus largement de l’ensemble de la réponse politique et économique à la pandémie – est donc un impératif démocratique