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Mille babords
Lettre ouverte pour l’ouverture concrète du port de Marseille aux navires de sauvetages et l’accueil des personnes secourues en Méditerranée
Article mis en ligne le 6 octobre 2020

Madame la Maire Michèle Rubirola,
Monsieur le premier adjoint Benoît Payan,

Vous avez déclaré le 23 septembre que le port de Marseille serait ouvert aux 125 rescapé·e·s de la Méditerranée qui se trouvaient à bord du bateau de sauvetage Alan Kurdi affrété par l’ONG Sea Eye. En août, votre municipalité s’était déjà exprimée en faveur de l’accueil du bateau antifasciste et féministe Louise Michel qui poursuit les mêmes missions, dans des zones de frontières maritimes rendues de plus en plus dangereuses par les politiques européennes de fermeture (autant que par les logiques économiques du trafic humain).

Nous vous exprimons d’abord notre soulagement à entendre un discours politique qui tranche avec la xénophobiede vos prédécesseurs du conseil municipal et à constater un changement d’intention à l’égard des personnes en situation de migration.
Nous souhaitons toutefois connaître et échanger sur les modalités précises de mise en œuvre de ces intentions. En voici les principaux points.

Concernant l’ouverture du port de Marseille aux bateaux de sauvetage qui se mobilisent actuellement en Méditerranée centrale, les contacts concrets sont-ils actuellement en cours avec le préfet maritime, qui détient la compétence sur le port de Marseille pour autoriser le débarquement du Alan Kurdi et d’autres navires et ainsi mettre en application les annonces municipales ?

La Ville de Marseille participe-t-elle aux négociations entre États sur la répartition de l’accueil des personnes rescapées, dès lors qu’elles sont débarquées dans le "port sûr le plus proche", en règle générale en Italie (Sardaigne dans le cas du Alan Kurdi), à proximité des zones de sauvetage ainsi que l’exigent les textes internationaux, mais aussi les contraintes techniques du sauvetage en mer ?

La Ville de Marseille envisage-t-elle de peser sur les négociations en cours entre les États et la Commission européenne, lesquelles s’orientent vers une politique de répartition de d’accueil encore plus arbitraire à l’égard des demandeurs et demandeuses d’asile, contraire à la liberté de circulation et au libre choix du pays d’installation et surtout plus répressive aux frontières externes de l’Europe, susceptibles de rendre ces traversées de la Méditerranée encore plus mortelles ?
Pour espérer avoir un poids dans ces débats, la Ville de Marseille s’intéresse-t-elle aux initiatives parallèles et intégrera-t-elle le réseau des ville européennes solidaires "From the Sea to the City" ? (https://fromseatocity.eu/ )

Concernant la politique d’accueil de la Ville de Marseille, indépendamment du port de débarquement, est-il envisagé des mesures concrètes d’un accueil digne de ces futur•e•s demandeurs et demandeuses d’asile, dans le champ des compétences municipales, à l’image de la Züri City Card (approuvée par le conseil municipal zurichois), qui permettrait l’accès inconditionnel aux droits, aux soins, aux services municipaux et au logement, ainsi que la fin des contrôles au faciès et la promotion de la libre circulation dans notre ville ?

Enfin, la Ville de Marseille est-elle prête à s’engager avec force en faveur de la fermeture du centre de rétention du Canet, dont l’existence même est une atteinte aux droits fondamentaux, ainsi que des zones d’attentes du port, du Canet et de Marignane ?

Votre élection cet été a été portée par une large énergie du changement, mais aussi par une multitude de mobilisations réelles en faveur d’une ville plus juste, libre et solidaire. Il devient pour nous urgent d’en voir les premières mises en œuvre, notamment en faveur des personnes d’origine étrangère qui subissent encore ici de multiples formes de domination.

À travers l’accueil des rescapé·e·s de la Méditerranée, nous sommes convaincu·e·s qu’il ne s’agit pas seulement de redorer l’image d’une tradition marseillaise humaniste, qui ne satisferait que des egos charitables, mais surtout de s’engager contre les stigmates que la politique européenne des frontières portent durablement aux vies de milliers de nos concitoyen·ne·s.

Nous vous remercions pour votre attention.