
Monsieur le Ministre,
Notre réseau RESF 06, créé en 2004 pour défendre le droit à l’éducation des enfants de parents sans papiers ou en demande d’asile, se trouve, depuis tout ce temps, confronté à des situations inextricables, du fait de la politique suivie en ce domaine ainsi que des pratiques administratives qui perdurent dans notre département.
Nous avons écrit à Monsieur le Président de la République qui nous signale, notamment, qu’il vous communique notre courrier pour la partie concernant votre ministère.
Notre expérience d’accompagnement de ces familles et d’alerte des pouvoirs publics nous montre à quel point l’école est, pour ces enfants, un lieu (souvent le seul) de sécurité et de reconstruction. Et nous rendons hommage aux enseignants qui, dans leur majorité, ne ménagent pas leurs efforts pour les soutenir dans des conditions difficiles.
Nous souhaiterions vivement que, sous votre impulsion, soient rapidement mises en place des actions permettant de changer radicalement le quotidien de ces enfants et notamment :
– donner des consignes claires pour faciliter, non seulement la scolarisation des enfants (ce qui est à peu près acquis, sauf pour les enfants Roms) mais aussi le droit à l’allocation de rentrée, l’accès à la cantine, aux bourses d’études, aux transports, aux voyages scolaires et activités socio-éducatives, … par un partenariat avec les services compétents.
– soulever le problème des enfants qui sont changés brutalement d’hôtels par les services préfectoraux, plusieurs fois au cours d’une année scolaire, entraînant des transports longs et coûteux ou des changements d’écoles qui provoquent des ruptures d’attachement psychiquement dommageables, qui désespèrent les enseignants ayant mis en place des aides personnalisées et qui sont parfois source d’ échec scolaire.
– établir de toute urgence un plan de scolarisation des enfants Roms rappelant aux mairies que la scolarisation est de droit, sans opposition de type bureaucratique (quotas, domiciliation, etc...) et donnant aux écoles les moyens d’organiser un soutien scolaire.
– assurer les moyens pour l’application concrète d’un droit à la scolarisation pour les primo-arrivants, à la prise en charge des mineurs isolés, à l’apprentissage pour les jeunes de plus de 16 ans (dérogation au code du travail pour les stages en entreprises).
permettre l’accueil des étudiants étrangers à tous les niveaux de l’Université ; appliquer la loi autorisant l’inscription indépendamment des titres de séjour ; harmoniser les pratiques des universités concernant les visas et les poursuites de cursus des étudiants étrangers, dans le sens d’une plus grande ouverture (notamment accueil d’étudiants doctorants et post-doctorants).
- Exiger, auprès du ministère concerné, l’arrêt immédiat des mises en rétention d’enfants qui se trouvent privés de leur droit inaliénable à l’éducation : malgré les annonces de changement, la pratique existe encore, résiduellement en métropole et majoritairement outremer (notamment à Mayotte), souvent accompagnée de démembrement des familles.
– Obtenir des préfectures qu’elles ne prennent pas de décisions entraînant des conséquences sur la scolarité des enfants, sans concertation avec les membres de l’Education Nationale.
– initier, pour l’ensemble des élèves de tous âges ainsi que pour les parents d’élèves, un ambitieux plan d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité, déconstruisant les images déformantes trop répandues sur l’immigration et favorisant une rencontre instruite et pacifique des cultures.
A moyen terme, il nous semble essentiel d’instaurer une formation accélérée, initiale et continue, des enseignants de tous niveaux, sur ces questions. Trop souvent, en effet, ils se trouvent démunis face à des situations inhumaines et complexes. Des documents pédagogiques de qualité sont sous employés. Il en est de même de l’expertise acquise par de nombreuses associations d’éducation populaire. Les membres de RESF, parmi lesquels de nombreux parents d’élèves, enseignants et formateurs d’enseignants peuvent en témoigner
Nos institutions prennent-elles la mesure des conséquences, à court, moyen et long terme, des traumatismes qu’elles provoquent ? Cela est dramatique à la fois pour l’avenir de ces jeunes qui, dans leur majorité, s’établiront en France, mais aussi pour leurs camarades de classe et pour l’ensemble de notre société.
Nous vous demandons donc, Monsieur le Ministre, de mettre en oeuvre une politique qui prenne en compte ces situations. Elle est nécessaire pour l’avenir de ces jeunes . Elle est indispensable pour l’avenir de notre pays, traditionnelle terre d’accueil.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments respectueux.