Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Les violences en manifestation ? Cherchez les policiers en civil
Article mis en ligne le 14 avril 2016

Les images de « débordements » lors des Nuits debout et des manifestations contre la loi travail excitent les médias et contribuent à empêcher l’émergence d’un mouvement de masse. Mais ces débordements sont souvent suscités par des policiers en civil, dont l’usage est bien peu "républicain".

À Nantes, comme à Paris quelques heures plus tard sur la place de la République, la manifestation contre le projet de loi sur le travail se finit, samedi 9 avril, dans les fumées de gaz lacrymogène. Ainsi, à Nantes, ce jour-là, on observe des policiers présents en nombre, des canons à eau stationnés sur les places, des rangées de CRS à chaque croisement de rue. À l’angle de la rue de la Basse-Casserie, un petit groupe attend, aligné le long du mur : des policiers en civils. Lunettes de ski, cagoules et casques, matraques télescopiques à la main, ils se jettent sur une personne, qu’ils emmènent, non sans avoir au préalable lancé quelques grenades assourdissantes sur la foule. L’action est rapide. Mais suffit à provoquer les manifestants, dont plusieurs, en réaction, lancent des cailloux et des pavés contre les CRS et des policiers en civil casqués. Les manifestants en colère contre les tirs aveugles des CRS semblent ne pas avoir remarqué les « cagoulés » qui, de leur côté, ont enfin obtenu le Graal : une belle bataille rangée. (...)

Le scénario semble réglé comme du papier à musique. Les trois coups du premier acte sont frappés par une presse spéculant sur les nécessaires dégradations à venir. Une présence policière massive est installée à quelques pas du cortège pour échauffer les esprits. Quelques projectiles volent. La répression massive et indiscriminée est alors déclenchée, désorganisant le service d’ordre de la manifestation et faisant basculer celle-ci dans l’émeute. Enfin, la récupération politique, son cortège de condamnations indignées et de commentaires affligés sur les « casseurs ».
Escouade de policiers surarmés n’ayant rien à protéger

Les exemples se répètent à l’infini, dans toute la France. (...)

Ces affrontements sont commodes pour fustiger des manifestants violents, donc illégitimes, et ainsi décrédibiliser les revendications de tous. Commode aussi pour isoler le mouvement, susciter la peur de le rejoindre chez ceux qui n’en sont pas encore, et la peur de continuer chez ceux qui en sont déjà. (...)

Ce sabotage systématique des manifestations sociales par de petits groupes minoritaires — qui le revendiquent parfois politiquement — fait le jeu du pouvoir. Dès lors, la question de l’identité réelle de ces provocateurs fait régulièrement l’objet de spéculations : vrais « casseurs » ou policiers ? D’autant que, si ces derniers sont en général identifiables par un brassard ou un casque siglé, ce n’est pas toujours le cas, comme en témoigne la photographie ci-dessous. Dès lors, quel rôle jouent-ils ? Comment les distinguer des briseurs de vitrines ? (...)

À Lyon, en 2010, il avait été prouvé que des policiers en civil s’étaient fait passer pour des syndicalistes de la CGT en arborant des autocollants de ce syndicat. Le recours désormais systématique à des policiers en « civil », à la tenue très proche de celle des militants violents qu’ils sont supposés arrêter, pose question. En ces temps d’invocations constantes des valeurs républicaines, leur attirail tranche avec l’idée que l’on peut se faire de policiers « républicains » : treillis militaires, cagoules, foulards, matraques télescopiques, gants renforcés… Certains ont même pu pousser le bouchon très loin : lors d’une manifestation nantaise après la mort de Rémi Fraisse, fin 2014, des policiers étaient, tout simplement, venus équipés de masques à tête de mort, comme l’avait révélé Reporterre. (...)