
Jeune chercheur américain, Aaron Swartz risque trente-cinq années de prison. Son crime ? Avoir téléchargé une grande quantité d’articles de recherche universitaire en prenant quelque liberté avec la loi. Cette affaire lève le voile sur certaines curieuses pratiques des éditeurs.
Les chercheurs en sciences exactes doivent publier leurs résultats sous forme d’articles de revues spécialisées afin de les faire connaître à leurs collègues. Ces revues, à bien distinguer des magazines de vulgarisation comme Pour la science ou Science & Vie, peuvent être pluridisciplinaires, telles les bien connues Nature et Science, ou spécifiques à une discipline. Les articles passent devant un comité éditorial, aidé d’experts extérieurs, qui évaluent le sérieux, l’originalité, etc. des résultats, puis, s’ils sont acceptés, sont publiés. Ni les auteurs, ni le comité éditorial, ni les experts ne sont rémunérés par les éditeurs (...)
Ces organismes doivent aussi payer leurs abonnements, souvent très coûteux : il n’est pas rare qu’une revue coûte plus de 4 000 euros par an. De plus, les éditeurs exigent souvent que les auteurs et leurs employeurs cèdent tout droit sur les articles, au point parfois de ne pas pouvoir les publier sur leur propre site web !
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Une poignée de grands groupes se partagent l’essentiel du marché. Cet oligopole fait des bénéfices considérables aux dépens des institutions scientifiques. Les chercheurs peuvent difficilement s’y opposer : ils sont évalués en fonction du nombre d’articles publiés dans les revues les plus prestigieuses. Qui voudrait risquer sa carrière en ne publiant que chez les moins rapaces ?
Aaron Swartz a voulu mettre à disposition de tous des articles anciens, archivés par un site appelé JSTOR, pour lequel l’abonnement coûte typiquement plusieurs dizaines de milliers d’euros par an aux universités. Certains de ces articles sont trop anciens pour être encore protégés par le droit d’auteur, mais les éditeurs invoquent alors d’obscurs droits de numérisation, au fondement légal douteux.
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son action met en lumière de réels problèmes.
Tout d’abord, il est anormal que la recherche financée par le contribuable constitue une rente au profit de puissants groupes industriels.
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Ensuite, on peut s’interroger sur la durée du droit d’auteur, qui en Europe est de soixante-dix ans après la mort. Il est difficile de justifier pareille durée par la nécessité de rémunérer les créateurs, puisqu’elle bénéficie non aux auteurs mais à leurs héritiers ou éditeurs.
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Hélas, à chaque fois que le Parlement s’est penché sur le droit d’auteur, c’était presque uniquement afin de renforcer la répression du téléchargement illicite des produits des industries du divertissement. Pourtant, le droit d’auteur touche à bien d’autres sujets !