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Les promesses jamais tenues de Delevoye et du gouvernement en faveur de la retraite des agriculteurs
Article mis en ligne le 12 décembre 2019
dernière modification le 11 décembre 2019

Alors qu’il était ministre en 2003, Jean-Paul Delevoye avait déjà promis aux agriculteurs une retraite égale à 85 % du SMIC. Et l’année dernière, le gouvernement a encore bloqué une proposition de loi revalorisant les faibles retraites agricoles.

La réforme des retraites envisagée par le gouvernement est-elle favorable aux agriculteurs ? C’est ce qu’a laissé entendre Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, le principal syndicat agricole. « Si demain, 1 euro cotisé donne les mêmes droits à tout le monde, ça ne peut être que mieux pour les agriculteurs », a-t-elle déclaré à l’issue d’un entretien avec le Premier ministre, le 3 décembre. Cela fait écho aux propos d’Emmanuel Macron, le 25 avril dernier, suite au mouvement des gilets jaunes : « Quiconque aura cotisé toute sa vie et aura ses points ne pourra pas avoir moins de 1000 euros à la retraite », avait-il affirmé. Qu’en est-il dans les faits ?
730 euros par mois en moyenne pour les agriculteurs retraités

Lors de la création de la sécurité sociale en 1946, le monde agricole a refusé d’intégrer le régime général. Les agriculteurs cotisent donc dans un régime distinct, géré par la Mutualité sociale agricole (MSA). Problème : avec un agriculteur cotisant pour trois retraités percevant une pension, le régime des non-salariés agricoles se heurte à un déficit structurel [1]. Ce déficit est largement compensé par la solidarité nationale, via des transferts provenant du régime général (3 milliards) et de recettes de taxes (2,8 milliards) [2]. Pour garantir les cotisations de demain, l’une des options est de favoriser les nouvelles installations en agriculture.

Pour l’heure, le niveau des retraites demeure très faible. La pension moyenne, au terme d’une carrière complète, est de 730 euros par mois [3]. Ce montant est bien inférieur au seuil de pauvreté (1041 euros par mois pour une personne seule en 2017). L’une des raisons tient au faible niveau du revenu déclaré par les exploitants agricoles - 1416 euros par mois en moyenne - avec mécaniquement des cotisations basses. Cette moyenne varie d’une année à l’autre, en fonction des aléas climatiques par exemple. Le patrimoine dont disposent les paysans ne permet pas forcément de compenser ces faibles pensions, surtout s’ils demeurent très endettés.

Paradoxe : les cotisations sociales continuent d’être perçues comme une charge par une partie du monde agricole, alors que leur niveau de vie une fois à la retraite en dépend. (...)

Les femmes agricultrices perçoivent en moyenne 30 % de moins que leurs conjoints (...)

La non-reconnaissance du statut des conjointes comme travailleuses agricoles contribue à les pénaliser au moment du calcul de leur retraite. (...)

Une revalorisation des pensions de 120 euros par mois à partir de 2025, sous condition d’une carrière complète

Pour soutenir ces faibles retraites, un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles a été mis en place depuis 2003. En janvier 2014, une loi est adoptée pour garantir un montant minimum de pension à 75 % du Smic net agricole pour une carrière complète, soit 903 euros. Dans le cadre du futur « système universel », le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye propose que ce minimum soit relevé à 85 % du Smic net, soit 1023 euros. Le minimum de retraite pour les agriculteurs augmenterait donc de 120 euros par mois, à compter de 2025 et à la condition qu’ils aient cotisé 43 ans.

Cette mesure évaluée à 350 millions d’euros pourrait porter le nombre de bénéficiaires de ce minimum de 230 000 retraités à 285 000. Sauf que le régime agricole compte actuellement 1,4 million de pensionnés, dont une grande partie ne touche même pas ce minimum au regard de la moyenne des pensions (703 euros)... Quid des dizaines de milliers de retraités qui ne remplissent pas les critères ? (...)

Jean-Paul Delevoye avait déjà promis une retraite égale à 85 % du SMIC en... 2003

En réalité, l’annonce de Jean-Paul Delevoye reprend une promesse non tenue de la loi du 21 août 2003 portant déjà sur une réforme des retraites. (...)

Une revalorisation des pensions agricoles bloquée par le gouvernement en mai 2018 (...)

Alors que le gouvernement communique aujourd’hui sur cette hausse du niveau minimal des retraites, il n’a pas encore été précisé comment cette mesure serait financée. Dans une tribune co-signée avec un député LREM, André Chassaigne avance plusieurs leviers fiscaux, dont la fameuse augmentation de la taxe sur les transactions financières. Cette dernière ne va pas dans le sens des mesures fiscales prises depuis le début du quinquennat par Emmanuel Macron. (...)

Pour l’heure, le gouvernement se contente de communiquer sur les 1000 euros minimum de retraite pour tous. Sans toujours préciser que ceux-ci comprennent la retraite complémentaire (...)

Or, en incluant cette mesure dans la réforme, Emmanuel Macron repousse à 2025 une mesure initialement annoncée... pour 2020. Souvenez-vous, c’était le 25 avril dernier. Lors d’une conférence de presse organisée suite au mouvement des Gilets jaunes, le président de la République avait annoncé la mise en place d’un minimum de pension à 1000 euros, soit 85 % du Smic. Le lendemain, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, affirmait : « Nous allons essayer de mettre en œuvre ce minimum de 1000 euros dès 2020 ». Aujourd’hui, le calendrier est nettement plus flou. (...)

Comment envisager la suite ? « Proposer une alternative, c’est ce qui fait cruellement défaut dans le débat public », estime l’économiste Bernard Friot. « Là, le gouvernement est en train de jouer misère contre misère. » Selon lui, il faut un seul régime de sécurité sociale pour opérer la nécessaire mutualisation de la valeur entre les branches d’activité. « A la condition que l’unification se fasse par le haut et pas par le bas, comme dans le projet régressif de Macron. »

A la différence de la FNSEA, la Confédération paysanne a appelé à rejoindre la mobilisation contre la réforme des retraites et demande « une revalorisation des pensions les plus basses notamment pour les femmes et retraités d’outre-mer ». Elle demande également à ce que soit instaurée « une retraite plancher quel que soit le parcours professionnel », « un plafonnement des plus grosses pensions » et de « stopper l’évasion sociale et fiscale qui affaiblit le financement de notre protection sociale ».