
Les luttes contre les Grands projets inutiles du monde entier sont liées. Tel le rhizome, cette tige de plante souterraine définie par des principes de connexion et d’hétérogénéité et qui ne comporte pas de structure profonde : si on le rompt, le rhizome peut repartir. Ces luttes ne sont pas figées, elles se transforment sans cesse et échappe à l’emprise néolibérale en construisant d’autres modes d’existence…
Il y a un peu plus d’un an à Stockholm, j’ai rencontré un Suédois qui faisait partie d’un mouvement en lutte contre l’implantation d’une mine de fer à Gállok dans le nord du pays, en territoire Sami. Avec des amis, ils avaient bloqué la voie d’accès au site où ils avaient installé un camp, et ils s’étaient suspendus dans les arbres. Le blocage de la route avait duré tout l’été, puis ils s’étaient fait violemment déloger par la police.
"Comme si ces luttes n’étaient pas isolées"
Ce qu’il racontait me semblait faire écho à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : même indignation contre un projet nuisible, symbole d’une société insoutenable et sous l’emprise des grandes entreprises ; même déficit de démocratie ; même répression de la contestation. Et surtout, des modes d’action étrangement ressemblants.
Ce qui en fait n’était pas si étrange : l’année d’avant, il s’était rendu à Notre-Dame-des-Landes. Et c’est dans la forêt de Hambach en Allemagne qu’il en avait entendu parler (la forêt de Hambach était elle aussi occupée pour contrer un projet d’extension d’une mine de charbon déjà tellement vaste qu’on la surnommait « le Mordor »).
Sa trajectoire, une parmi tant d’autres, paraissait illustrer le lien entre les luttes d’opposition aux Grands projets inutiles imposés, qui sont des luttes profondément ancrées dans le territoire, et qui s’appuient d’abord, dans la plupart des cas, sur le refus des riverains directement concernés.
Comme si ces luttes n’étaient pas isolées ; comme si elles n’étaient pas uniquement déterminées par leur situation locale spécifique, mais insérées dans un enchevêtrement complexe d’échanges, d’interdépendances, d’influences avec les autres luttes. Un enchevêtrement déployé sur le territoire du continent, voire du monde. (...)
Quand je pense aux mouvements opposés aux GPII, je vois des rhizomes. Même si certains profils de mouvements ou d’individus se retrouvent plus souvent que d’autres (par exemple des écologistes, des retraités qui ont plus de temps à consacrer à la lutte...), ce qui frappe, c’est la grande diversité de celles et ceux qui s’y impliquent. Les connexions se multiplient entre les gens et les mouvements, à différentes échelles – localement autour de l’opposition à un projet, à l’échelle continentale ou mondiale comme lors des Forums Contre les GPII… Et les mouvements, certains plus que d’autres, préfèrent l’horizontalité aux structures hiérarchiques traditionnelles (même s’il y a toujours des disparités de pouvoir et de représentation entre les mouvements et les militants). (...)