
Noues sommes très fières et heureuses de publier la traduction française d’une étude sur la prostitution légale publiée en novembre 2022 par Melissa Farley, Inge Kleine, Kerstin Neuhaus, Yoanna McDowell, Silas Schulz et Saskia Nitschmann :
LES HOMMES QUI PAIENT POUR DU SEXE EN ALLEMAGNE ET CE QU’ILS NOUS APPRENNENT SUR L’ÉCHEC DE LA PROSTITUTION LÉGALE : Une étude sur le commerce du sexe dans six pays du point de vue des freiers, les acheteurs de sexe socialement invisibles. (...)
La prostitution légale rend-elle la prostitution plus sûre ? Est-ce que la prostitution légale réduit la violence contre les femmes en situation de prostitution ? La prostitution légale réduit-elle la traite sexuelle ? La prostitution légale réduit-elle le contrôle du crime organisé sur le commerce du sexe ? Les acheteurs de sexe sont-ils plus susceptibles de déclarer la traite d’êtres humains si la prostitution est légale ? La prostitution légale prévient-elle ou réduit-elle le nombre de viols ?
L’achat de rapports sexuels est-il associé à de la coercition sexuelle, y compris le viol ?
Oui. Les hommes de ces six pays qui ont rapporté des taux plus élevés d’achats de rapports sexuels ont également déclaré avoir commis significativement plus d’actes de coercition sexuelle, y compris des viols.
Que nous ont appris les acheteurs de sexe sur la traite, le proxénétisme et le crime organisé ?
55% des acheteurs de sexe allemands ont admis avoir vu ou payé un proxénète ou un trafiquant. Selon les acheteurs de sexe, les proxénètes en Allemagne commettent régulièrement des actes de violence qui répondent aux définitions internationales de la torture (...)
Les acheteurs de sexe allemands signalent-ils la traite aux autorités ?
Très rarement. (...)
Les acheteurs de sexe sont-ils conscients des dommages psychologiques causés par la prostitution ?
Oui. Les acheteurs nous ont rapporté de nombreux exemples détaillés de détresse psychologique. (...)
Les acheteurs de sexe allemands (ou autres) sont-ils racistes dans leurs choix concernant les femmes prostituées qu’ils utilisent ?
Oui. La moitié des acheteurs de cette étude a sélectionné des femmes prostituées sur la base de stéréotypes raciaux ou ethniques. (...)
Une préférence pour le sexe impersonnel favorise-t-elle les agressions sexuelles ?
Dans les six pays de notre étude, une large majorité des acheteurs de sexe (77%) a déclaré une préférence pour des rapports sexuels impersonnels, ce qui est un des facteurs croisés permettant de prédire les agressions sexuelles. (...)
Le manque d’empathie des acheteurs de sexe est-il lié à la déshumanisation des femmes en situation de prostitution ?
Oui. Le manque d’empathie permet la déshumanisation de ces femmes et facilite les agressions sexuelles par des hommes. (...)
Qu’avons-nous appris des acheteurs de sexe concernant les idées reçues sur la prostitution, sur le viol, la masculinité toxique et les agressions sexuelles ?
Les idées reçues sur la prostitution sont des notions culturelles sur celle-ci qui sont fausses mais qui justifient l’achat de sexe par les hommes. Les idées reçues sur le viol sont des notions culturelles sur le viol qui sont fausses mais qui justifient le viol. (...)
L’acceptation des idées reçues sur le viol est associée à l’exécution d’agressions sexuelles. Au lieu de constater que la prostitution diminue le nombre de viols, nos résultats suggèrent que le contraire est probablement vrai. (...)
Tous les acheteurs de sexe – et particulièrement ceux en Allemagne – adhéraient à l’idée reçue selon laquelle la prostitution permet de prévenir les viols. (...)
L’usage de la pornographie a-t-elle un impact sur l’achat de rapports sexuels ou d’autres comportements sexuels agressifs ?
Oui. L’usage fréquent de pornographie contribue aux agressions sexuelles, avec d’autres facteurs. Dans les six pays de notre étude, nous avons constaté que les acheteurs de sexe qui déclarent un usage plus fréquent de la pornographie avaient aussi tendance à acheter plus souvent des rapports sexuels. Les acheteurs de sexe qui utilisent le plus la pornographie ont tendance à faire partie de ceux qui commettent le plus d’actes de coercition sexuelle, y compris des viols.
Les acheteurs de sexe sont-ils impliqués dans des activités criminelles en dehors de la prostitution ?
Oui. Les acheteurs de sexe ont tendance à se livrer à des activités criminelles qui ne sont pas liées à la prostitution. (...)
Qu’est-ce qui dissuaderait les hommes d’acheter du sexe ?
Les acheteurs de sexe des six pays ont indiqué qu’être enregistrés dans un registre des délinquants sexuels serait un moyen dissuasif très efficace. Un autre moyen de dissuasion cité est la révélation publique de leur achat de rapports sexuels. Une peine de prison serait tout aussi efficace, quelle qu’en soit la durée. Selon tous les hommes interrogés, un programme éducatif sur la prostitution était le moyen le moins efficace de les dissuader d’acheter du sexe.
Sur la base des résultats de notre recherche, nous concluons que la prostitution légale ne rend pas la prostitution plus sûre, ne diminue pas la violence faite aux femmes prostituées, ne réduit pas la traite d’êtres humains à des fins sexuelles ou la mainmise du crime organisé sur le commerce du sexe. Les acheteurs de sexe sont peu susceptibles de signaler la traite même dans un contexte de prostitution légale. La prostitution légale ne prévient pas ou ne réduit pas le nombre de viols.